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Libération
Interview

«La campagne donne un nouveau souffle au Tea Party»

Loin d’être en perte de vitesse, le mouvement ultraconservateur dont la popularité a culminé en 2009 et 2010 reste très actif au sein même du parti républicain, analyse l’universitaire américain Heath Brown.
Photo Bill Blanchard (Photo Bill Blanchard)
publié le 16 novembre 2015 à 18h36

Même s'il est moins visible, le Tea Party compte plusieurs «chouchous» dans la course républicaine à la Maison Blanche, explique Heath Brown, professeur à la City University de New York, vient de publier (en anglais) le Tea Party divisé : la diversité cachée d'un mouvement en maturation (éditions Praeger).

En octobre, selon un sondage Gallup, 17 % des Américains soutenaient le Tea Party, un score historiquement bas depuis son émergence en 2009. Comment l’expliquer ?

Il y a deux phénomènes parallèles. D’un côté, le Tea Party a effectivement fléchi, et l’intérêt qu’il y a à se définir comme un de ses membres est loin d’être aussi fort qu’en 2009 ou 2010, quand tant de gens étaient excités par ce mouvement. Mais ses idées et son activisme continuent d’imprégner la vie politique. Le mouvement s’est institutionnalisé et est pleinement intégré au sein du parti républicain.

Quelle était sa base idéologique à ses débuts ?

C’était déjà un mouvement hétéroclite mais avec trois piliers principaux. Le premier : une forte conviction que la taille et le rôle du gouvernement fédéral doivent être très limités. Le deuxième renvoie à une conception romantique de la fondation des Etats-Unis : ses membres considèrent que l’idéal de liberté individuelle présent à l’époque a largement disparu et que cet esprit doit aujourd’hui être retrouvé. Cela s’inscrit dans le courant libertarien. Le troisième pilier a trait au conservatisme sur des sujets comme l’avortement ou l’immigration.

Le Tea Party est né après l’élection de Barack Obama : pour ses membres, sa présidence est incompatible avec les principes conservateurs de l’Amérique.

Pour vous, le Tea Party est divisé. Selon quelles lignes de fracture ?

La première est géographique. En 2009 et 2010, les membres du Tea Party dans le nord ou le Midwest étaient avant tout intéressés par l’économie, dénonçant le sauvetage des banques et du secteur automobile par le gouvernement fédéral. Dans l’Arizona et au Texas, la préoccupation principale était l’immigration. Le genre est une autre ligne de fracture. Les militantes se définissent par leur conservatisme sur des sujets de société. Les hommes attachent plus d’importance à la défense des libertés individuelles, comme le port d’armes.

Le Tea Party est-il présent dans cette campagne ?

Plusieurs candidats républicains sont éminemment connectés au Tea Party. Marco Rubio, élu sénateur de Floride avec un soutien très fort du mouvement, incarne le conservatisme social. On peut aussi citer le libertarien Rand Paul ainsi que Ted Cruz. Donald Trump semble avoir également séduit de nombreux militants. Plusieurs membres de son équipe, dont sa nouvelle porte-parole, sont d’anciennes figures du mouvement.

Comment expliquer ce soutien, alors que Donald Trump est accusé de ne pas être assez conservateur, notamment sur les questions de société ?

Avec ses positions très tranchées sur l'immigration, Trump a envoyé un signal fort aux électeurs pour qui c'est un sujet majeur. A l'inverse, Ben Carson [candidat républicain en deuxième position dans les sondages, ndlr] a sans doute séduit ceux qui attachent plus d'importance au conservatisme moral. Cette campagne républicaine donne un nouveau souffle au Tea Party, car plusieurs candidats incarnent les différentes franges du mouvement.