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Etats-Unis

Républicains : les outsiders toujours in

A deux mois et demi du début des primaires, 14 candidats restent en lice. Trump et Carson sont, à la surprise générale, toujours en tête, mais rien n’est joué.
De gauche à droite, les républicains Jeb Bush, Donald Trump, Marco Rubio et Ben Carson, à Milwaukee lors du débat du 10 novembre. (Photo Jim Young. REUTERS)
publié le 16 novembre 2015 à 18h36

«Is Jeb Bush still running for president ?» Quelques heures avant le quatrième débat républicain, le 10 novembre, la recherche Google la plus populaire concernant l'ex-gouverneur de Floride était cette question : est-il toujours candidat ? L'anecdote humiliante illustre la lente descente aux enfers de Jeb Bush, étiqueté grand favori du parti conservateur il y a encore un an. Pour ceux qui s'interrogent, la réponse est oui : l'héritier de la dynastie Bush ambitionne toujours de succéder à Barack Obama à la Maison Blanche aux élections de novembre 2016. Lors du dernier débat, il a même livré sa meilleure prestation dans cette campagne républicaine. Le contraire eût sans doute été fatal, tant il était apparu emprunté et terne lors des trois premiers.

A défaut de mieux, Jeb Bush s'est donc offert une bouffée d'oxygène, un sursis, sauvant une candidature qui végète depuis des semaines autour de 6 % d'intentions de vote parmi les sympathisants républicains. «Dieu merci, ce soir il a stoppé l'hémorragie. S'il construit sur cette solide performance, cela pourrait être le début d'un revirement», a commenté l'une de ses conseillères, Ana Navarro. Cette «performance», à défaut d'être éclatante, suffira-t-elle à revigorer sa campagne ? Rien n'est moins sûr, tant le «fils et frère de», qui souhaitait mener un combat joyeux et optimiste, semble en décalage profond avec l'humeur révolutionnaire et colérique de la base conservatrice.

Les novices séduisent

A deux mois et demi du premier scrutin des primaires, le 1er février dans l'Iowa, la campagne républicaine a largement dépassé le stade des préliminaires. Et pourtant, la liste des prétendants à l'investiture finale reste inhabituellement longue : ils sont quatorze encore en lice. Ces derniers mois, deux seulement ont jeté l'éponge : le gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, et l'ancien gouverneur du Texas, Rick Perry.

D’après le dernier baromètre du site Real Clear Politics, souvent cité en référence, Donald Trump est en tête des sondages avec 24,8 % des intentions de vote, au coude à coude avec Ben Carson (24,4%) - ce qui explique sans doute que Trump se montre de plus en plus agressif à son égard. Suivent, assez loin, Marco Rubio (11,8 %) et Ted Cruz (9,6 %).

A la surprise générale, y compris sans doute la leur, les novices Trump et Carson séduisent à eux deux la moitié des électeurs républicains. Dans l'histoire récente du Grand Old Party, la percée d'un ou plusieurs outsiders n'est pas un phénomène nouveau. Leur longévité en tête de peloton, en revanche, surprend. «Cette élection prouve que personne ne sait rien, à commencer par moi», ironisait récemment Seth Mandel, éditorialiste au tabloïd New York Post.Quelque peu désarçonnés, la plupart des politologues restent persuadés que les candidatures du milliardaire Trump et du docteur Carson finiront par imploser. En raison principalement de leur manque de crédibilité sur les sujets de fond.

L'une des plumes politiques du Washington Post, Dan Balz, se montre plus nuancé. Il n'exclut pas que «cette année, l'élection se joue sur autre chose que des positions politiques». Auquel cas, ajoute-t-il, «les autres candidats vont devoir décider quand ils doivent s'attaquer» aux deux favoris des sondages. Forcément, avec les attentats de Paris vendredi, le thème de la sécurité nationale - et du rôle des Etats-Unis dans la bataille contre l'Etat islamique - a rejailli sur le devant de la scène.

Trump, lui, a ironisé samedi : «Regardez Paris, avec les lois sur le port d'armes les plus restrictives du monde, personne n'avait d'armes sauf les méchants […]. S'ils avaient le droit [d'en porter], la situation aurait été très, très différente.»

Fractures sur l’immigration

Même s'il est en roue libre, ses adversaires tentent parfois de le contrer. Lors du débat, alors que le milliardaire venait de répéter qu'il fallait expulser des Etats-Unis onze millions de clandestins, en majorité mexicains, le gouverneur de l'Ohio, John Kasich, a sèchement répliqué : «Pensez aux familles, aux enfants. On ne peut pas tous les rafler et les renvoyer de l'autre côté de la frontière. C'est une idée stupide !» Tout aussi remonté, Jeb Bush a expliqué : «Les expulser, c'est tout simplement impossible. Et cela ne respecterait pas nos valeurs. Cela déchirerait nos communautés.» Marié à une Mexicaine, Jeb Bush a accusé Donald Trump d'entamer les chances de victoire du Parti républicain en s'aliénant une partie de l'électorat hispanique. «L'équipe de campagne d'Hillary Clinton se frotte les mains en nous écoutant !» a-t-il lancé.

Sur l'immigration, la fracture est persistante chez les républicains. D'un côté, les «modérés» Jeb Bush, John Kasich ou Marco Rubio défendent un lent processus de régularisation pour les clandestins installés depuis longtemps. De l'autre, la frange dure incarnée par Donald Trump et Ted Cruz s'oppose fermement à toute «amnistie», martelant que «la loi doit être respectée».

Unis contre Clinton

Pour beaucoup d’analystes, la rhétorique anti-immigrés remise au goût du jour par Donald Trump pourrait fortement pénaliser le candidat républicain lors de la présidentielle. En 2012, Barack Obama avait raflé 70 % du vote latino. Et les sondages le montrent : les électeurs hispaniques restent très sensibles à cette thématique, 60 % d’entre eux ayant un parent ou un ami en situation irrégulière.

Souvent divisé, le Parti républicain reste toutefois uni dans son rejet féroce d’Hillary Clinton, à qui l’investiture démocrate semble promise. Qui sera le mieux armé pour battre l’ancienne secrétaire d’Etat le 8 novembre 2016 ? Energiques, sereins, percutants : Marco Rubio et Ted Cruz, 44 ans tous les deux, ont fait forte impression lors des récents débats. Mais d’après les sondages, Hillary Clinton l’emporterait aujourd’hui sur tous ses adversaires, à l’exception de Ben Carson. L’ancien neurochirurgien sera-t-il encore de la partie dans un an ? Il est permis d’en douter. A la même époque, en 2012, Newt Gingrich et Herman Cain étaient les favoris des primaires républicaines. Leur principal point commun : ils représentaient la faction «Tout sauf Mitt Romney», jugé trop mou, pas assez conservateur. On connaît la suite : Romney a été désigné. Jeb Bush peut encore y croire.