Menu
Libération
Coalition

Contre l’Etat islamique, l’alliance avec Poutine prend forme

Impensable il y a une semaine, la coopération entre les forces russes, qui soutiennent Bachar al-Assad, et les armées française et américaine se concrétise sur le théâtre syrien.
Obama et Poutine à Antalya dimanche. (Photo Cem Oksuz.Reuters)
publié le 18 novembre 2015 à 20h16

La grande coalition internationale «large et unique» contre l'Etat islamique que François Hollande appelle de ses vœux devient peu à peu une réalité. Le président français se rendra mardi à Washington, puis jeudi à Moscou, pour s'entretenir avec ses homologues mais, d'ores et déjà, les pays engagés intensifient leur coopération militaire. Raqqa, bastion syrien de l'EI (lire ci-contre), a été de nouveau pilonné dans la nuit de mardi à mercredi par les chasseurs français, qui ont largué depuis dimanche une soixantaine de bombes sur la ville, mais aussi par des bombardiers stratégiques russes. Ces frappes visant des dépôts d'armes, des casernes et des points de contrôle dans la ville auraient tué 33 jihadistes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, qui relève que «le nombre limité de tués s'explique par le fait que les jihadistes avaient pris leurs précautions».

Camions-citernes

L'arrivée au large de la Syrie du porte-avions Charles-de-Gaulle, dès la fin de la semaine, permettra de tripler le nombre des avions français engagés. Vladimir Poutine, qui s'était entretenu mardi avec Hollande, a donné l'ordre à la marine russe de coopérer et d'entrer en contact avec le navire français. «Il s'agit de voir comment frapper ensemble l'EI le plus efficacement possible», résume un diplomate.

Des frappes - américaines celles-là - ont ces derniers jours visé plus d'une centaine de camions-citernes utilisés par l'EI pour la contrebande de pétrole. L'organisation tire du trafic de carburant avec les pays voisins - en premier lieu la Turquie - un peu plus d'un million d'euros par jour.«On ne peut pas taper les clients, donc on s'en prend au transport», explique-t-on à Paris. Les chauffeurs ont théoriquement été avertis des raids par la coalition, qui veut éviter des pertes dans la population civile. Elles alimenteraient la colère contre les frappes occidentales. «Un innocent tué, cela crée dix combattants», relève un responsable militaire.

Les choses bougent vite. Mais si Poutine s’affirme toujours plus comme un partenaire incontournable dans la grande alliance contre l’EI, nombre d’ambiguïtés demeurent. Jusqu’à ces derniers jours et l’évidence longtemps niée que le crash de l’avion russe au-dessus du Sinaï a été causé par une bombe de l’EI, Moscou avait mené la quasi totalité de ses frappes contre les groupes de la résistance syrienne opposés au régime, mais à peine contre l’EI. Ce tournant change la donne, mais il reste beaucoup de flou. Les Occidentaux voudraient notamment que les frappes russes épargnent les groupes qu’ils soutiennent. Moscou a finalement accepté que la Jordanie dresse une liste des groupes agissant en Syrie afin de clairement différencier ceux classés comme terroristes des autres.

Test

La question de la transition politique et du sort de Bachar al-Assad reste cruciale, même si les positions se rapprochent. Washington ne fait plus de son départ un préalable, Paris s’est résigné à ce choix pragmatique. Mais les deux capitales insistent sur le fait qu’il ne peut être l’avenir de la Syrie. Moscou commence à l’admettre, au moins en coulisses. Le prochain test sera à l’ONU, sur le projet de résolution du Conseil de sécurité souhaité par Paris. S’agira-t-il simplement d’une condamnation de l’attentat ? Ou bien le texte donnera-t-il une légitimité juridique à la nouvelle coalition internationale contre l’EI ? Et surtout, évoquera-t-il clairement la nécessaire transition politique à Damas ?