C'est une démarche inhabituelle, qui paraîtrait presque incongrue à un pays comme la France où le drapeau n'a quasiment jamais changé depuis deux siècles. La Nouvelle-Zélande décide en ce moment si elle va changer de drapeau. Depuis ce mercredi, et jusqu'au 24 mars, les électeurs néo-zélandais sont invités à se prononcer, par référendum, entre le drapeau actuel et une proposition alternative :
En novembre et décembre derniers, les Néo-Zélandais avait déjà choisi parmi cinq propositions issues d'une longue liste l'étendard qui aurait le droit de défier le drapeau actuel, semblable à son équivalent australien et qui arbore toujours l'Union jack britannique de l'ancien colon. Leur choix s'était porté sur cette grande fougère blanche (l'un des symboles du pays) sur fond noir (couleur nationale, qui rappelle immanquablement les All Blacks) et bleu, avec quatre étoiles rouges représentant la Croix du sud, deux réminiscences du drapeau actuel.
Changer de drapeau n’est néanmoins pas si rare. Ces dernières années, plusieurs pays l’ont fait. Nous avons recensé douze cas depuis 1980 – liste non exhaustive – qui permettent de se rendre compte que c’est souvent l’histoire qui conduit à ces modifications : indépendance d’un pays, changement de régime, volonté de rupture politique. Les changements «à la néo-zélandaise», décidés sans urgence particulière, sont beaucoup plus rares. Quant à l'utilisation d'un référendum pour décider du nouvel étendard, c'est a priori inédit.
Les indépendances
Zimbabwe. Colonie tardive et rebelle, la Rodhésie tente tant bien que mal de faire survivre les privilèges raciaux dans les années 1960 et 1970. Mais le pouvoir blanc est de plus en plus isolé, aussi bien à l'intérieur que sur la scène internationale, et le Royaume-Uni, officiellement toujours souverain, reprend la main en 1979. L'année suivante, les premières élections libres voient la victoire surprise de Robert Mugabe, qui impose l'étoile rouge marxiste et les couleurs de son parti, la Zanu, sur le nouveau drapeau du pays, qui prend le nom de Zimbabwe. Désormais âgé de 91 ans, Mugabe dirige toujours le pays, rapidement devenu une dictature.
Serbie. Associé à la Serbie depuis 1992 et la fin de la Yougoslavie, le Monténégro finit par obtenir son indépendance en 2006. Aux rayures rouge-bleu-blanc, symbole du panslavisme (on les retrouve sur la plupart des drapeaux de l'ex-Yougoslavie et d'autres pays voisins), la Serbie, désormais «seule» (elle n'a à ce jour pas abandonné sa souveraineté sur le Kosovo, pourtant reconnu par une centaine d'Etats dans le monde depuis sa déclaration unilatérale d'indépendance en 2008), décide alors d'ajouter ses propres armoiries, héritées des Nemanjic, prestigieuse dynastie serbe du Moyen-Age.
Les changements de régime
Iran. 1980 : le dernier Shah quitte l'Iran et la République islamique est instaurée. Les couleurs du drapeau ne changent pas, mais le symbole en son centre si, et c'est évidemment capital. Incarnation du pouvoir impérial, le lion doré disparaît au profit du nouvel emblème de l'Iran, créé par le nouveau régime. Représentant quatre croissants et, au centre, une épée, il s'agit d'une version stylisée du mot «Allah».
Afrique du Sud. C'est probablement le changement le plus célèbre de ces dernières décennies. Symbole de l'apartheid, donc de la domination blanche, l'ancien drapeau sud-africain, adopté en 1928, est supprimé en même temps que les lois raciales, en 1993. L'année suivante est intronisé un drapeau reprenant les couleurs arc-en-ciel, traditionnellement utilisées par les mouvements de défense des droits des noirs africains.
Hongkong. Possession britannique depuis 1842 et le traité de Nankin, Hongkong arbore jusqu'en 1997 l'Union Jack du Royaume-Uni agrémenté des armoiries coloniales du territoire. Rétrocédée à la Chine le 1er juillet 1997, l'île garde un drapeau différent, symbole de la logique «un pays, deux systèmes», représentant une fleur de bauhinia, blanche, sur un fond rouge qui rappelle le drapeau chinois.
Afghanistan. Au pouvoir depuis 1992, les talibans avaient imposé leur propre drapeau - blanc avec le chahada - à partir de 1996. Mais les attentats du 11 Septembre conduisent les Etats-Unis (qui traquent Oussama ben Laden) à envahir le pays et renverser le régime. Après un premier drapeau très provisoire, le pays revient finalement à celui de l'ancien royaume d'Afghanistan (1926-1973) et ses bandes noires (couleur historique), rouges (sang versé pour l'indépendance) et vertes (espoir en l'avenir) ornées de l'écusson national, qui représente une mosquée au-dessus de laquelle on retrouve, à nouveau, la chahada.
Géorgie. A la chute de l'URSS, en 1991, la nouvelle République de Géorgie prend pour drapeau celui qu'elle arborait déjà entre 1918 et 1921, date de sa précédente - et éphémère - indépendance. Mais, douze ans plus tard, le gouvernement d'Edouard Chevardnadze est renversé par la révolution des roses. Pour marquer cette rupture, le nouveau régime décide de changer de drapeau et de revenir à celui aux cinq croix, utilisé par plusieurs Etats géorgiens au cours des siècles, notamment l'Ibérie.
Libye. Au pouvoir depuis un coup d'Etat en 1969, Muammar al-Kadhafi avait imposé à partir de 1977 un drapeau entièrement vert à son pays, une couleur censée représenter l'islam et la Jamahiriya, «l'Etat des masses» dont il avait édicté les principes fondamentaux deux ans plus tôt dans un «Livre vert». Au renversement du régime, en 2011, c'est l'ancien drapeau du royaume de Libye, en vigueur de 1951 à 1969, qui est rétabli. Ses trois couleurs représentent les trois provinces historiques du pays : Tripolitaine, Cyrénaïque et Fezzan.
Les décisions politiques
Irak. S'il a adopté les couleurs rouge-blanc-noir du panarabisme depuis 1921, et ses rayures actuelles depuis 1963, le drapeau irakien a régulièrement vu changer l'inscription qui orne sa bande blanche au fil des changements de régime. Sous Saddam Hussein, on y retrouverait trois étoiles, symboles du parti Baas, et l'inscription Allahou Akbar. Etrangement, le drapeau n'est pas modifié à la chute du Raïs, en 2003, mais seulement en 2008. Aujourd'hui, les étoiles ont disparu, mais l'inscription demeure.
Birmanie. Au pouvoir depuis 1988 (mais largement défaites lors des élections législatives du début du mois), la junte militaire décide en 2010 de modifier le nom du pays (légèrement, puisqu'elle l'avait rebaptisé Myanmar dès 1989), son hymne national et son drapeau. Ce dernier, institué par l'ancienne dictature socialiste en 1974, change radicalement en reprenant quasi à l'identique les couleurs de… la Lituanie, une étoile blanche en plus. Evidemment, l'explication n'a rien de balte : le jaune est censé représenter la solidarité, le vert la paix, le rouge l'esprit de décision, et l'étoile blanche l'unité du pays. Tout un programme.
«A la néo-zélandaise»
République démocratique du Congo. A la chute de la dictature de Mobutu, en 1997, le Zaïre devient la République démocratique du Congo et adopte un drapeau quasi identique à celui de l'indépendance (1960). En 2006, il est finalement décidé d'adopter un nouveau drapeau, cette fois très inspiré de celui arboré de 1963 à 1971 - seul le bleu est plus clair. Curiosité : à l'exception de la parenthèse Zaïre (1971-1997), ce pays a toujours conservé l'étoile jaune à cinq branches sur fond bleu, qui était le symbole colonial du Congo belge.
Lesotho. Une dizaine d'années après avoir adopté un drapeau orné d'un bouclier et d'armes de guerre au lendemain d'un coup d'Etat militaire, le petit Etat enclavé en Afrique du Sud décide à l'occasion du quarantenaire de son indépendance, en 2006, d'adopter un nouvel étendard plus «pacifiste». On y retrouve un chapeau traditionnel, le Basotho, déjà présent sur la version post-indépendance, et trois bandes horizontales des mêmes couleurs que sur l'ancien drapeau : bleu (la pluie), blanc (la paix) et vert (la prospérité).