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Libération
Analyse

Après la bombe à Tunis, état d'urgence et couvre-feu

Au lendemain de l'attentat qui a fait 13 morts dans un bus de la garde présidentielle, la Tunisie s'interroge sur sa capacité à enrayer le terrorisme. Le Conseil de sécurité se réunit d'urgence.
Mercredi, devant le bus transportant la garde présidentielle qui a explosé mardi, faisant au moins 12 morts à Tunis. (Photo Fethi Belaid. AFP)
par Serge Constantin, Correspondant à Tunis
publié le 25 novembre 2015 à 11h25

Au lendemain de l'attaque d'un bus de la garde présidentielle, l'onde de choc se déploie progressivement. Le centre-ville est bunkérisé, l'avenue Habib Bourguiba, artère centrale de la ville, totalement fermée à la circulation. Les titres des quotidiens annoncent tous sur un ton bravache que la Tunisie ne pliera pas, mais le coup est rude.

L'attentat qui a fait au moins 13 morts, dont un n'est toujours pas identifié, a visé un corps d'élite rattaché à la présidence de la République affecté à la protection des personnalités et des lieux sensibles. Il s'est produit à quelques centaines de mètres du ministère de l'Intérieur et du centre-ville. Les commanditaires de l'attentat, qui n'est toujours pas revendiqué, ont donc démontré leur capacité à frapper au plus près du noyau de l'Etat. Mais une nouvelle fois, le choix de la cible démontre la volonté d'atteindre l'Etat et de fragiliser le processus politique. Les cibles ne sont pas des citoyens anonymes dans le but de semer une terreur indiscriminée, mais après le tourisme, secteur vital de l'économie atteinte les deux attentats du Bardo et de Sousse, c'est l'appareil sécuritaire qui est touché.

Tours de vis supplémentaires

Le mode opératoire n'est pas encore totalement connu, le lieu même de l'explosion est devenu rapidement inaccessible, mais les images qui circulent sur les réseaux sociaux montrent un véhicule calciné, dont le toit est éventré de l'intérieur au niveau de la porte avant. Ce qui accrédite l'idée que le kamikaze a pu monter à bord avant de déclencher son dispositif. Mais rien ne confirme l'hypothèse circulant hier soir selon laquelle le kamikaze était l'un des membres de la garde présidentielle.

Depuis plusieurs jours, les services de sécurité redoutaient l'imminence d'un attentat dans la capitale. Une série d'actions avait été déjouée à Sousse et un groupe démantelé quelques jours avant les attaques à Paris et un individu arrêté le 18 novembre, au terme d'une traque dans Tunis, a admis être attentat selon le ministère de l'Intérieur. Il n'a donc pas pu être évité. Il faut donc s'attendre à quelques tours de vis supplémentaires.

L'instauration de l'état d'urgence et d'un couvre-feu de 21 heures à 5 heures du matin, pour trente jours, a été suivi de mesures de renforcement de la sécurité à l'aéroport, accessible désormais aux seuls voyageurs. Un Conseil national de sécurité se réunit dans la matinée pour envisager d'autres mesures.

De son côté, l'UGTT, la principale centrale syndicale, a annulé le mot de grève générale tournante dans le secteur privé qu'elle a entamée depuis le 19 novembre dans le cadre de négociations salariales tendues avec le patronat.

Au-delà des condamnations unanimes et des appels à l'unité nationale, les conséquences politiques vont s'exprimer dans les prochains jours. Mais sur les plateaux de télévision dans la soirée, les interventions se sont multipliées pour mettre en accusation le respect trop scrupuleux des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste. L'alliance entre Nidaa Tounes et Ennahdha est à nouveau sous tension, et d'autant plus fragilisée que le parti présidentiel est déchiré par une grave crise interne.