Un ange est passé, jeudi matin, à Nairobi. La capitale Kenyane n'a jamais été aussi calme et tranquille que pendant la messe du pape François, organisée dans la grande université de la ville. Nairobi, d'habitude vibrante et embouteillée, semblait se recueillir, après les longues heures de pluie qui se sont abattues toute la nuit. Malgré les chants en swahili et les danses colorées, l'heure n'était clairement pas à la fête. «N'ayez pas peur», c'est ce qu'a asséné le Saint-Père pour son premier voyage sur le sol africain, tout au long de son prêche. Dans la stricte lignée de Jean Paul II, qui avait prononcé ces mêmes paroles bibliques en pleine période de «guerre froide», le discours de l'évêque de Rome, prend tout son sens aujourd'hui au Kenya. Grand nombre de fidèles ne se sont pas rendus aux abords de l'Université par peur des attentats. Dans le parc Uhuru, en plein centre-ville, où était retransmise la messe historique sur écrans géants, il y avait presque autant de soldats que de fidèles. 10 000 militaires et policiers ont été déployés pour assurer la sécurité de l'événement.
Le pays d'Afrique de l'Est, frontalier avec la Somalie, a été victime à de nombreuses reprises d'attaques revendiquées par le groupe islamiste d'Al-Shabab, affilié à Al-Qaeda. A Garissa, en avril dernier, 148 étudiants chrétiens avaient été massacrés de sang froid. En réponse à la haine, Jorge Bergoglio a rencontré tous les représentants des différentes religions du pays, jeudi matin, avant la messe sainte. Il a affirmé «craindre davantage les moustiques que les violences», pour son premier voyage sur le continent africain. Marguerite et Janet, deux vieilles dames, fichu sur la tête à l'effigie de l'Association des femmes catholiques du Kenya, ont elles aussi tenu à faire le déplacement vers Nairobi, depuis la frontière tanzanienne. «Notre foi nous protègera contre les terroristes, affirment-elles. Nous avons vu Jean Paul II, lors de sa visite en 1995, et même en 1985 ! Mais à l'époque, nous n'avions pas compris les mots du Saint-Père. Aujourd'hui, son discours d'amour et de paix nous touche encore plus.»
«Corruption»
«Sa venue est une bénédiction pour le Kenya et pour le continent dans son ensemble, affirme Joséphine, une habitante de Kasarani, un quartier de Nairobi, où doit se rendre le pape pour rencontrer la jeunesse du pays. J'espère qu'il pourra changer les esprits de ce pays, et que l'Amour du Dieu aidera les terroristes et les corrompus à rentrer dans le droit chemin.»
La corruption, ce fléau qui hante le pays, est dans tous les esprits. Début novembre, un journaliste du Daily Nation, quotidien local de référence, a été arrêté pour avoir dénoncé un énième scandale au sein du gouvernement. Cinq ministres ont été congédiés cette semaine. «Bienvenue au Kenya, pape François ! Le pays où l'on est arrêté pour révéler la corruption», ironisaient les internautes sur Twitter, devenu pendant quelques heures un cahier de doléances national. Aux côtés des plus faibles, prônant l'humilité, le premier pape issu de l'hémisphère Sud parcourt la capitale kenyane à bord d'une modeste Honda, fenêtres ouvertes, et se rendra ce vendredi dans le bidonville de Kangemi. Il a également appelé les dirigeants et investisseurs un à meilleur partage des richesses. «On a vu à travers l'histoire que la violence, les conflits et le terrorisme se nourrissent de la peur, de la méfiance et du désespoir nés de la pauvreté et des frustration», a-t-il déclaré à peine arrivé sur le sol africain. Et, aux côtés du chef d'Etat Uhuru Kenyatta, il a rajouté : «Je vous encourage à travailler avec intégrité et transparence, pour le bien commun et rétablir un esprit de solidarité.»