«Erdogan a donné l'ordre et le journalisme a été arrêté», titrait vendredi le quotidien Cumhuriyet pour annoncer l'interpellation de son directeur de la publication, Can Dundar (lire Libération du 2 novembre), et de son chef du bureau d'Ankara, Erdem Gul, accusés «d'espionnage» .Les autorités leur reprochent d'avoir publié, le 25 mai, des documents et des photos de camions des services de renseignement turcs livrant des armes aux jihadistes en Syrie. Le président Recep Tayyip Erdogan avait alors déposé plainte contre le patron de ce quotidien de centre gauche et promis «que Can Dundar payerait cher».
Jeudi, les deux journalistes ont été déférés devant un procureur au palais de justice d'Istanbul, lequel a demandé leur arrestation. Ils sont inculpés d'«aide à une organisation terroriste, d'espionnage politique et militaire, et de révélation d'informations devant rester secrètes» . Le procureur a fait savoir qu'il demanderait vingt ans de prison à l'encontre des deux hommes, incarcérés jeudi dans la prison de Silivri. Depuis, les réactions et les protestations se multiplient. «Nous traversons un processus anormal et nous œuvrons pour le normaliser le plus vite possible», a dit le président de la Cour de cassation. Le chef du CHP (Parti Républicain du peuple, social-démocrate), principale formation de l'opposition, Kemal Kilicdaroglu, a lui déclaré que «les journalistes arrêtés quitteront la prison la tête haute».
«C'est une médaille d'honneur pour moi et Erdem», a déclaré Dundar. Il a expliqué à la cour son métier de journaliste : «Notre rôle est de révéler les mensonges de l'Etat. Notre information est correcte. Je ne suis ni espion, ni traître, ni membre d'une organisation terroriste. Un espion ne divulgue pas les informations qu'il obtient», a-t-il rappelé. Quant à Erdem Gul, il a rappelé que «pour le journaliste, ce qui est déterminant c'est le salut, la sécurité et la paix de la société. Notre rôle est d'informer le public».