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Analyse

Pour François Hollande, le gazon fait le larron

COP21dossier
Alternant accueil sur tapis vert des chefs d’Etat et de gouvernement et rencontres bilatérales, le président français a également profité de cette première journée de négociations pour faire avancer le dossier syrien.
François Hollande au Bourget ce lundi. (Photo Laurent Troude)
publié le 30 novembre 2015 à 19h16

Monsieur bons offices d'un côté. En première ligne de l'autre. Pour ouverture d'une conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21) où il joue beaucoup de sa crédibilité internationale, François Hollande a alterné lundi les deux fronts sur lesquels il a choisi d'engager la France : la lutte contre le réchauffement de la planète et celle contre le terrorisme. «Ce sont deux grands défis mondiaux que nous devons relever, a-t-il lancé à la tribune en premier orateur, drapeau tricolore d'un côté et ciel et blanc de l'ONU de l'autre. Parce que nous devons laisser à nos enfants plus qu'un monde libéré de la terreur. Nous leur devons une planète préservée des catastrophes. […] Le réchauffement annonce des conflits comme la nuée porte l'orage.»

Serre-pognes. Depuis les attentats du 13 novembre, Hollande a choisi de lier ces deux combats «pour la paix» et montrer, à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières françaises, qu'il est à l'initiative. Au Bourget, plus de deux semaines plus tard, il passe aux travaux pratiques. C'est sur le premier terrain - le vert - qu'il a débuté lundi. Arrivé peu avant 8 heures sur le site du parc des expositions, voici François Hollande sur un gazon en plastique, préféré pour l'occasion au tapis rouge : à sa droite, ses ministres Laurent Fabius et Ségolène Royal, à sa gauche, Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, et Christiana Figueres, «madame climat» des Nations unies. C'est la première fois depuis les attentats que l'on revoit Hollande sourire.

Les premières poignées de main sont pour la Première ministre polonaise, Beata Szydlo, et le Canadien Justin Trudeau : le top-départ d'une heure et demie de serre-pognes et de grands sourires pour accueillir les premiers arrivés. Avant, une fois les photos avec Barack Obama faites, de confier la louche à son Premier ministre, Manuel Valls, et à sa ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal. Le temps pour le chef de l'Etat de changer d'habits et d'aller voir en «bilatéral» (comprendre en tête-à-tête) des leaders dont l'importance pour Hollande réside davantage sur la question syrienne que climatique. Hollande s'est ainsi entretenu avec le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, sur la situation au Moyen-Orient, avant de voir le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, pour discuter des solutions politiques possibles en Syrie et en Libye. De la situation là-bas, il a aussi été question dans ses entretiens de l'après-midi avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et lors du dîner organisé le soir à l'Elysée pour Barack Obama. Il a également vu le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, mais pas Vladimir Poutine, qu'il n'est pas allé cueillir à sa descente de voiture, laissant ce privilège à son secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Harlem Désir. On a déjà vu plus de considération française dans les attentions portées au président russe…

Maître de cérémonie. Loin du terrain militaire, après ses deux premiers entretiens avec Abbas et Al-Sissi, le Président a pris soin de réapparaître sur le gazon en plastique pour accueillir le Premier ministre indien, Narendra Modi. Car s'il veut un accord «universel, contraignant et différencié», comme il l'a répété dans son discours d'ouverture (lire pages 2 à 4), il faut choyer ce leader d'un Etat de plus d'un milliard d'habitants qui, s'il embarque d'autres pays derrière lui, peut faire capoter le deal final (pages 4-5). Avec ce tête-à-tête, le déjeuner entre chefs d'Etat et de gouvernement et le lancement de deux initiatives - une «mission innovation» pour «accélérer» les investissements publics et privés dans la recherche et le développement pour les énergies propres avec Barack Obama et l'ancien patron de Microsoft, Bill Gates (lire aussi page 9), puis «l'alliance solaire», soit une «plateforme de coopération pour les pays développés disposant des technologies solaires» -, Modi a été le représentant à la COP 21 le plus vu lundi par le président de la République. Lequel a bouclé sa journée au Bourget par une intervention sur le prix du carbone.

Entre-temps, Hollande était réapparu dans son costume de maître de cérémonie. S'il laisse le soin à son ministre des Affaires étrangères de conduire en coulisses les négociations sur l'accord de Paris, le chef de l'Etat est resté jusqu'à midi assis à la tribune, annonçant et écoutant les grands de ce monde - le président chinois, Xi Jinping, la chancelière allemande, Angela Merkel, le président russe, Vladimir Poutine… - expliquer à quel point la planète avait besoin d'être sauvée et combien ils étaient «disponibles» pour un accord. Ce qu'ils ne mesurent pas, c'est qu'en acceptant de signer un texte à Paris d'ici au 12 décembre, ils peuvent également contribuer à sauver - en partie - le quinquennat de leur homologue français.