Le terrorisme islamiste prospère dans le chaos des Etats faillis du Moyen-Orient. Après l'Irak et la Syrie, c'est maintenant en Libye qu'affluent les jihadistes étrangers profitant des frontières incontrôlables d'un immense pays ravagé par la guerre civile et les conflits tribaux. L'intervention otanienne qui, en 2011, à l'initiative de Paris, renversa Kadhafi, faisait en France tout au moins la quasi-unanimité, même si d'autres capitales, dont Rome, l'ancienne puissance coloniale, évoquaient déjà le risque de créer «une grande Somalie au bord de la Méditerranée». C'est ce qui advint, d'autant que les Libyens furent abandonnés à leur sort. Mais en Irak, le déploiement au sol de quelque 100 000 hommes après l'intervention américaine de 2003 a attisé la guerre civile et fait le lit de l'organisation Etat islamique. Le laisser-faire comme en Syrie et l'abandon de la rébellion modérée face aux soudards du régime Assad a eu des effets encore plus délétères et il explique le succès des jihadistes. Les Occidentaux comme les autres pays de la coalition engagés contre l'EI doivent tirer les leçons de cette série d'échecs. Les frappes aériennes sont certes indispensables pour affaiblir cette organisation désormais sur la défensive, mais elles ne pourront en aucun cas l'éradiquer, d'autant que personne ne veut intervenir au sol. La lutte contre l'EI sera longue. Redoutable mélange de jihadistes fanatisés et d'anciens officiers baasistes, l'EI ne peut véritablement être chassé de son territoire et anéanti par la seule force des armes. C'est vrai en Irak où le pouvoir chiite, majoritaire, doit donner sa place à la minorité sunnite. C'est vrai en Syrie, où il n'est d'autre issue possible à la guerre civile qu'une transition politique débouchant à terme sur le départ d'un dictateur bourreau de son propre peuple. Et il faut réussir à réunir les diverses composantes politiques libyennes face à l'EI, car la déstabilisation de ce pays menace le Maghreb comme le Sahel. Un nouveau front à nos portes.
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