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Libération
Récit

Brésil : Dilma Rousseff menacée de destitution

La procédure est lancée par le chef du Parlement, lui-même poursuivi dans le scandale Petrobras.
Le président de la chambre des députés, Eduardo Cunha, pendant sa conférence de presse, le 3 décembre à Brasilia, après l'ouverture de la procédure de destitution contre Dilma Roussef. (Photo Evaristo Sa.AFP)
par Chantal Rayes, Correspondante à São Paulo
publié le 3 décembre 2015 à 17h47

Après des mois de suspense, la décision est tombée, et elle risque d’aggraver la crise politique et économique au Brésil. Mercredi soir, le chef du parlement brésilien, Eduardo Cunha, a déclenché la procédure de destitution de la présidente Dilma Rousseff (Parti des travailleurs, PT).

Un an seulement après sa réélection, la protégée de l'ex-Président Lula ne récolte plus que 10% d'avis favorables dans les sondages. Une large majorité des Brésiliens, échaudés par la récession, qui doit atteindre 4% cette année, souhaite son départ. Le Petrolão, l'énorme scandale de corruption au sein du géant pétrolier Petrobras, dans lequel le PT et ses alliés sont impliqués, n'arrange rien. Membre du plus grand parti de la coalition présidentielle, le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), Eduardo Cunha est néanmoins le principal adversaire de «Dilma», qu'il accuse d'être derrière sa mise en examen pour corruption dans l'affaire Petrobras.

Il a jugé recevable la requête déposée par trois juristes et soutenue par l’opposition de droite. Dilma Rousseff y est accusée de recourir à des artifices comptables pour masquer le déficit budgétaire, une entorse aux lois. Son gouvernement aurait fait assumer des dépenses sociales aux banques publiques, sans leur avancer la somme au préalable. Il aurait également augmenté les dépenses sans l’autorisation préalable du Congrès.

«Il n'y a contre moi aucune accusation de détournement d'argent public», a réagi Dilma Rousseff, se disant «indignée». «Nous ne pouvons laisser des intérêts indéfendables porter atteinte à la démocratie», a-t-elle ajouté. Une allusion à Eduardo Cunha, dont la justice a découvert les juteux comptes en Suisse.

Vengeance personnelle

Sa décision s'apparente donc à une vengeance personnelle contre le PT. Le parti venait en effet d'annoncer son intention de voter pour l'ouverture d'une enquête contre lui au comité d'éthique du Parlement, qui a compétence pour «casser» son mandat. Depuis des semaines, Eduardo Cunha agitait la menace de l'impeachment, au cas où le PT ne l'aidait pas à se tirer d'affaire. Le gouvernement – mais aussi Lula lui-même – aurait donc voulu le ménager mais le PT a préféré sauver ce qui reste de son image, éclaboussée par les scandales à répétition. Quitte à ensuite «abandonner Dilma à son propre sort», selon le mot d'un éditorialiste.

Des députés du parti s'apprêtent néanmoins à saisir la Cour suprême pour invalider la décision d'Eduardo Cunha. Entre-temps, le Parlement devra désigner une commission spéciale qui statuera sur la demande de destitution. Au cas où son rapport préconise l'impeachment, il sera soumis à l'assemblée plénière de la Chambre des députés. Pour le juriste Dalmo Dallari, «il n'y a aucun fondement juridique pour une destitution».

Pour autant, réunir les 172 voix nécessaires pour bloquer la procédure ne sera pas aisé. La coalition présidentielle est instable. Tout dépendra également de la pression de la rue. La droite va-t-elle reprendre les manifestations pour exiger le départ de la Présidente ? La gauche va-t-elle se mobiliser contre ce qu’elle dénonce comme un «putsch» ?