Ei Khin Khin, 27 ans, est venue de Rangoun, la capitale économique birmane, dans les bagages de l’ONG écolo française Green Lotus, avec une dizaine d’autres membres de la société civile birmane. Elle explique ce qu’elle attend de la COP21.
Les Birmans gavés d’engrais et de pesticides
«Quand j'étais petite, je passais mon temps dans le jardin de mes grands-parents, qui mangeaient uniquement les produits de leur potager et de leur verger. Bananes, ananas, mangues, goyaves, pamplemousses, légumes, champignons, tout poussait sans produit chimique, du bio avant le bio. Aujourd'hui, les paysans birmans utilisent énormément d'engrais chimiques et de pesticides, sans se soucier des doses limite. Par exemple, ils en versent chaque jour dans les choux, qu'ils emmènent ensuite au marché sans vraiment les laver, ou bien en font des offrandes (en Birmanie, les 500 000 moines bouddhistes vivent de la mendicité, ndlr). Bien sûr, aucune étude officielle ne relève les maladies liées à cet empoisonnement.»
Submergés d’intrants
«Les paysans croient les mensonges des démarcheurs d’intrants chimiques, qui viennent les voir dans leurs champs. Le ministre de l’Agriculture lui-même, un ex-militaire, est actionnaire principal de la plus grosse entreprise d’importation de produits chimiques chinois. Les produits viennent de Chine et de Thaïlande, ils sont très bon marché – on les soupçonne d’ailleurs de nous envoyer leurs rebuts. Si une année un paysan verse un sac de produits dans son champ, l’année suivante il en mettra le double.»
Sous-informés sur les pratiques écolos
«Avec quatre amis, diplômés comme moi en administration publique, on a lancé Mya Organics, une entreprise commerciale de produits bio, il y a cinq ans, mais c’est difficile. Les Birmans n’ont aucune information sur les bonnes pratiques écologiques, et le marché se limite aujourd’hui aux expatriés, aux hôtels et à une petite frange de la haute société. On peine aussi à convaincre les paysans de passer au bio, ils sont persuadés qu’abandonner les produits chimiques leur fera perdre leur récolte.»
«Je cherche à savoir comment font les autres pays»
«Même si je suis venue à la COP 21 pour le business, je ne cours pas après le profit. Je cherche des partenaires, entreprises ou ONG, pour développer le bio en Birmanie, je me renseigne sur les bonnes pratiques, les innovations techniques, je cherche à savoir comment font les autres pays. C’est impressionnant de voir tous ces magasins bio en France, les rayons des supermarchés. J’espère qu’un jour, les Birmans y auront eux aussi accès.»
«Porter un message sur le développement durable»
«Venir à Paris, c'est aussi, paradoxalement, un moyen de rencontrer la délégation officielle birmane, de leur porter un message sur le développement durable. J'espère qu'avec le changement de majorité politique, les mentalités vont évoluer sur l'écologie en Birmanie. Mais surtout, qu'à l'issue de la COP 21, les leaders des pays développés vont enfin se mettre d'accord. Sinon, chaque année, des centaines de personnes vont périr dans mon pays, à cause des inondations, des cyclones, des glissements de terrain, et des milliers d'autres vont devoir déménager, quitter leur village et leurs terres. Cette année, 70% des terres agricoles birmanes ont été inondées, la terre a été souillée par le sable, et beaucoup de récoltes sont fichues.»