Rodion Sulyandziga, 49 ans, est un Udege, une tribu vivant dans l’est de la Sibérie, en Russie, sur un territoire de forêt vierge de 4500 km2, très convoitée par les exploitants de bois. Il explique pourquoi il a fait le voyage jusqu’à Paris, avec d’autres membres du Forum international des peuples indigènes sur le changement climatique, qui regroupe des habitants d’Asie, Afrique, Arctique, des Amériques, du Pacifique et de Russie.
«Udege signifie "le peuple de la forêt". Comme les autres peuples indigènes de Russie, nous sommes en première ligne face au changement climatique, car nous vivons au milieu de la nature. Les 40 peuples indigènes russes représentent environ 300 000 personnes - nous ne sommes que 1 600 Udege. Nous nous battons contre l’exploitation de la forêt, pour nos droits, notre culture, notre langue, aux côtés des ONG écologistes.
«Nous commençons à voir les effets du réchauffement climatique sur notre environnement. La météo est imprévisible, il y a de plus en plus de feux de forêt et d’inondations. Globalement, les peuples indigènes sont mal informés de la menace, et même au niveau du gouvernement régional, il n’y a pas de prise de conscience. Quant à Moscou, c’est un autre monde, situé à huit heures d’avion, et avec lequel nous avons 7 heures de décalage horaire. Il y a un fossé immense entre les déclarations du Kremlin et la vie quotidienne en Sibérie.
«Au niveau politique, certains pensent que le réchauffement est une bonne chose pour l'économie, qu'il y aura plus de navigation commerciale (la glace libérant les eaux, comme le fameux "passage du Nord-Ouest", ndlr), plus d'agriculture, plus d'accès aux ressources de matières premières. De grands projets commerciaux sont lancés sans se préoccuper des conséquences sur l'environnement, alors qu'il faudrait au contraire être très prudent. Nous n'avons aucune infrastructure pour prévenir ou intervenir sur une catastrophe, un naufrage ou une marée noire comme dans le golfe du Mexique (suite à un puits de pétrole défectueux, ndlr). La Suède veut stopper le développement des énergies fossiles, c'est courageux. La Russie devrait faire de même.
«Nous attendons tous un accord mondial contraignant. On sait que les négociations sont très difficiles, mais c'est une opportunité historique. Nous sommes choqués de voir que la mention du respect "des droits humains pour tous, y compris des indigènes", présente dans l'article 2 du texte, est menacée sous la pression de certains négociateurs. Par ailleurs, nous voulons apparaître comme des "peuples" dont les droits sont depuis longtemps reconnus par l'ONU, et non comme des "indigènes".»
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