Une cinquantaine de patrons de multinationales réunis en table ronde, étalant leur chiffre d’affaires et s’applaudissant à tour de rôle. Mardi au Bourget, la COP21 a pris des airs de Forum économique mondial de Davos tout en gardant son logo vert et ses murs en bois. Les big boss d’Unilever, Suez environnement, EDF énergies nouvelles et du pétrolier BP, entre autres, sont venus vanter leurs engagements en faveur du climat dans le cadre du Plan d’action Lima-Paris. Créé l’an dernier à la COP 20 organisée au Pérou, ce plan permet aux acteurs non-étatiques (entreprises, ONG, collectivités locales…) d’inscrire leurs efforts dans un texte qui doit être annexé à l’accord entre les Etats.
Paul Polman, le patron d'Unilever, est venu souligner l'objectif de l'entreprise d'être «positive en matière de carbone d'ici 2017» (via des compensations évidemment), espérant «inspirer les négociateurs» présents au Bourget. Son homologue à la tête du chimiste Solvay, Jean-Pierre Clamadieu, a présenté l'engagement de 39 entreprises européennes, dont Engie et Schneider Electric, d'investir 170 milliards d'euros «dans des technologies sobres en carbone de 2016 à 2020». Dont 30 milliards dans le gaz naturel et la moitié dans le nucléaire. «Nous agissons, nous sommes engagés, nous faisons bouger les lignes», a-t-il martelé.
Bob Dudley, directeur du pétrolier BP – responsable de la marée noire dans le golfe du Mexique en 2010- a assuré: «Nous faisons partie des entreprises qui se sont engagées à agir contre le changement climatique. Le secteur du pétrole et du gaz fait d'ailleurs partie de cette lutte», a-t-il lancé sans rire. «Nous sommes idéalement placés pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Nous avons créé notre propre empreinte carbone et nous l'avons réduite de 20% depuis 2005».
Réconciliation
Evidemment, quand les responsables du réchauffement climatique donnent dans l'écologie, personne ne sait trop s'il faut les croire. La ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, y a vu «une phase de réconciliation» : «Les entreprises sont enfin en train de basculer dans la prise de conscience. Toutes ne sont pas encore concernées, mais nous sommes dans un mouvement positif.»
Un constat rejoint par Nicolas Haeringer de l'ONG 350.org, interrogé par Libération : «A bien des égards, le secteur privé est plus en avance que les Etats. Cela ajoute des signaux au fait que l'ère des combustibles fossiles commence à être derrière nous. Il ne faut donc ni critiquer ni applaudir les petits efforts».
Il n'y a eu qu'une voix dissonante : celle du ministre danois des Affaires étrangères, Kristian Jensen. «Pourquoi devrions-nous être ravis que vous, entreprises, ayez un comportement responsable, a-t-il lancé. Ça devrait être naturel, non ?»