Le terme d'extrême droite ne revêt pas partout la même signification. Son emploi, dans un article de Libération consacré au Venezuela, a provoqué un malentendu. Essayons de le dissiper.
Dimanche dernier, les élections législatives au Venezuela ont été marquées par une large défaite infligée au Parti socialiste uni du président, Nicolás Maduro, par l'opposition unie au sein de la coalition de 21 partis MUD (Table de l'unité démocratique). Dans un article consacré, dans Libération du mardi 8 décembre, au caractère composite de la MUD, notre correspondant à Caracas, Simon Pellet-Recht, situait un des partis de l'alliance, Voluntad Popular, à l'extrême droite. La formation a pour fondateur et leader Leopoldo López (photo), condamné en septembre à quatorze ans de prison pour avoir appelé à des manifestations antigouvernementales dont le bilan fut de plus de 40 morts. Amnesty International avait alors dénoncé «un procès politique».
Le terme d'extrême droite a choqué l'association Diálogo por Venezuela France, qui soutient la MUD. Aussi avons-nous demandé à plusieurs spécialistes de l'Amérique latine si López et Voluntad Popular méritaient cette étiquette. Pour le chercheur vénézuélien Eduardo Rios, «le gouvernement [de Maduro] a l'habitude de décrire l'opposition comme un mouvement d'extrême droite. Mais le centre de gravité idéologique de la MUD serait plutôt un centre gauche non révolutionnaire. Certains de ses affiliés sont plutôt libéraux, mais ils sont minoritaires dans l'alliance». Selon Olivier Dabène, président de l'Observatoire politique de l'Amérique latine et des Caraïbes (Sciences-Po), «il faut éviter d'utiliser la catégorie "extrême droite" en Amérique latine, car elle est très connotée Europe». De son côté, l'historien Olivier Compagnon, enseignant à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine, juge «la définition de la notion d'extrême droite mouvante suivant les pays». Alexandra Poleo, porte-parole à Paris de Diálogo por Venezuela, souligne que Voluntad Popular «fait partie de l'Internationale socialiste», que Manuel Valls a demandé la libération de Leopoldo López et reçu sa femme, la très médiatique Lilian Tintori, le 15 octobre. «Enfermer un démocrate, c'est trahir la démocratie», avait alors twitté, en espagnol, le Premier ministre.
Les soupçons d'extrémisme à l'encontre de López ne sont cependant pas nouveaux. Le 11 avril 2002, il participait, en tant que maire d'une commune de Caracas, au coup d'Etat qui a brièvement renversé le président élu Hugo Chávez. «En rejoignant les rangs de l'Internationale socialiste, Voluntad Popular veut se donner une image sociale-démocrate, analyse Olivier Compagnon. Mais, dans les faits, López est un néolibéral en économie et un catholique conservateur en matière sociétale.» Olivier Dabène décrit le leader emprisonné comme «un réactionnaire radical dont les modérés de la MUD essaient de se démarquer depuis longtemps».
La nouvelle Assemblée nationale, où la MUD a raflé les deux tiers des sièges, prendra ses fonctions le 5 janvier, et une loi d’amnistie en faveur des prisonniers politiques devrait être une de ses premières décisions. Le retour dans l’arène publique de Leopoldo López permettra de le situer plus précisément sur l’échiquier politique.