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Libération
Cop 21

La diplomatie française fait l’unanimité

«Management exceptionnel», «chef-d’œuvre»… Etats et acteurs de la société civile saluent l’investissement de Laurent Fabius et de son équipe, qui ont planché sur le sommet climat depuis un an.
publié le 13 décembre 2015 à 20h26

Il est près de minuit, ce samedi soir au Bourget (Seine-Saint-Denis), et Jean Jouzel, l'ancien vice-président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) lève son gobelet de bière en plastique (recyclable). Pour avoir joué les ambassadeurs du savoir scientifique depuis des années, sillonné le globe à l'appel de Laurent Fabius, président de la COP 21, il se dit bluffé : «Tous les ministres que je croise ne font que chanter les louanges de cette diplomatie du consensus qu'a su mettre sur les rails la France»… Il n'est pas le seul. «De toutes les COP auxquelles j'ai assisté, je n'ai jamais vu un tel unanimisme en faveur d'une présidence», estime Pierre Radanne, du bureau d'études Futur Facteur 4, qui n'a raté aucun des 21 sommets onusiens. L'équipe française - composée de Fabius, donc, mais aussi de son ambassadrice Laurence Tubiana, à la connaissance très fine des lignes rouges de chaque pays, et d'une poignée de conseillers efficaces - a œuvré toute l'année pour en arriver là, à l'adoption de l'accord de Paris. «Elle n'a pas seulement été une présidence facilitatrice, mais une présidence actrice du compromis final», renchérit l'eurodéputé EE-LV Yannick Jadot, guère suspect de complaisance envers un gouvernement dont il ne cesse de critiquer le double langage. Car l'équipe française a innové sur la méthode.

Emmerdeurs

 Au lieu des fastidieuses plénières qui ponctuent les COP, la «zone bleue» du Bourget, sous administration onusienne, a surtout vu du travail en petits groupes et la multiplication de réunions bilatérales à huis clos. Sans exclure personne, et en toute transparence. «La France sait très bien qu'une négociation, c'est du marchandage et qu'il ne se fait pas en plénière, remarque le député européen. Dans ces bilatérales, la France s'est mise au centre du jeu pour trouver les bons équilibres.»

Autre astuce, avoir neutralisé les emmerdeurs en les nommant facilitateurs dans les négociations : la Pologne et l'Arabie Saoudite sur la riposte, le Venezuela sur le préambule de l'accord… A l'arrivée, l'Australie tweete que «le monde a une dette envers la France pour sa diplomatie et son management exceptionnels». Le Venezuela estime que Paris a «illuminé le monde d'espoir». La Chine ne tarit pas d'éloges à l'égard du chef de la diplomatie française. Même la société civile est au diapason : le WWF critique le texte mais parle de «chef-d'œuvre diplomatique». Greenpeace salue une présidence «incroyable de finesse et de doigté», «très inspirée et très humble».A ce rythme, Fabius est bien placé pour le Nobel de la paix, comme le suggèrent des négociateurs.

Quilles

 Si, après avoir été tant fustigé, le multilatéralisme onusien est l'autre gagnant, c'est qu'il y a eu un «avant COP 21» rondement préparé. Les ministres, secrétaires d'Etat ou les quatre ambassadeurs itinérants auront cumulé plus de 150 déplacements et 400 rencontres bilatérales avec 140 Etats. «Jamais je n'ai vu un pays s'investir autant pour présider une conférence climat», confiait en juillet une diplomate onusienne. Cela n'a pas toujours été simple. Hollande a mis du temps à piger l'enjeu d'un tel sommet. Fabius, lui, découvre la diplomatie du jeu de quilles : «Mais qu'est-ce qu'on va faire dans ce bordel ?» avait-il lâché à la COP de Doha, en 2012… «Pendant longtemps, on les a bousculés sur la diplomatie économique, chère à Fabius, qui voulait à tout prix se contenter d'un accord universel, dit Alix Mazounie, du Réseau Action Climat. On a mis six mois à le convaincre qu'il fallait aussi qu'il soit un tant soit peu ambitieux.» Tout au long du marathon du Bourget, la France a mouillé la chemise, cédant parfois à l'émotion. Mais les succès diplomatiques se mesurent à l'échelle du temps. Un accord tiède peut devenir un marqueur d'une génération. Un accord «historique» se traduire par un flop. Le ministre de l'Environnement des Maldives l'a ainsi relativisé : «L'histoire jugera le résultat non pas sur la base de l'accord d'aujourd'hui, mais sur ce que nous allons faire à partir d'aujourd'hui.»