Ceci est un scénario fiction. Dans un avenir indéterminé, un pays ne peut faire face à un afflux massif de migrants venus de Turquie : son administration, déjà défaillante, se contente, faute de moyens, de prendre les empreintes d’une partie de ceux qui arrivent par la mer Egée. Elle les transporte par ferry vers le continent pour qu’ils continuent leur route vers l’Ouest.
Dans la réalité, l’affaire s’arrêterait là, comme cela se passe depuis janvier et le début de la crise des réfugiés : l’UE, faute de compétence propre, laisserait ses membres se débrouiller au risque de voir exploser l’espace Schengen, comme le montrent l’érection de murs et le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures.
Mais gageons, dans notre scénario, que l’UE ait les moyens d’agir : à Varsovie, siège de Frontex, on est informé en temps réel de la dégradation de la situation via un agent de liaison basé en Grèce. L’agence chargée des frontières européennes demande alors à Athènes de colmater les brèches identifiées et propose son assistance. Refus du gouvernement grec, sourcilleux en matière de souveraineté. Frontex saisit alors la Commission qui propose aux Etats membres d’envoyer dans les trois jours 1 000 des 1 500 gardes-frontières à disposition de l’Union. Athènes tente de s’y opposer, en vain : il aurait fallu que 55 % des Etats représentant 65 % de la population européenne la soutiennent. En quelques jours, le flux est stoppé : le gros des migrants est bloqué en Turquie, et l’UE accueille ceux qui sont identifiés comme des réfugiés au sens de la Convention de Genève, qui sont dispersés entre les Etats en fonction d’une clé de répartition tenant compte du PIB, de la démographie et du nombre de réfugiés déjà accueillis : chaque pays examine la demande d’asile et, en cas de refus, l’étranger est pris en charge par le «bureau des retours» de Frontex, qui lui délivre un document de voyage européen et l’achemine vers son Etat d’origine ou vers le dernier pays hors UE d’où il est parti. Contrairement à la crise de 2015, qui a vu près de 1,5 million de personnes entrer illégalement dans l’UE, seuls quelques milliers ont franchi la frontière extérieure.
Ce scénario, la Commission veut le voir se concrétiser. Dévoilé mardi, son plan prend les gouvernements européens au mot, eux qui rendent l’UE responsable de la porosité des frontières. L’idée ? Doter Frontex d’une vraie capacité d’action.
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