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La Fed devrait annoncer une remontée de ses taux d’intérêt mercredi

La plupart des économistes parient sur un début de «normalisation» de la politique monétaire des Etats-Unis.
La présidente de la Réserve fédérale, Janet Yellen (ici, le 2 décembre à Washington), a longuement préparé les esprits à un relèvement des taux directeurs américains. (Photo Joshua Roberts. Reuters)
publié le 15 décembre 2015 à 15h20

Pour les marchés financiers, ce serait une décision historique. La dernière fois remonte au 29 juin 2006. Ce jour-là, Ben Bernanke, qui était aux commandes de la banque centrale des Etats-Unis (la Réserve fédérale, la Fed), annonce que le comité de politique monétaire a décidé une hausse de 0,25% des taux d’intérêt. Le taux de base, auquel les banques commerciales se financent, s’affiche à 5,25%. La santé économique des Etats-Unis se porte à merveille. Jusqu’à l’explosion de la crise des subprimes, quelques mois plus tard. Quelques semaines suffiront pour que les Etats-Unis passent de l’euphorie à la panique. Pour relancer la machine économique, la banque centrale fait marche arrière. De 5,25%, les taux américains vont baisser durant près d’une décennie. Mercredi, ce cycle pourrait toucher à sa fin.

Jamais, même en septembre 2015 lorsque beaucoup croyaient en un relèvement des taux finalement remis à plus tard à cause des inquiétudes sur l'économie chinoise, les acteurs financiers n'ont été aussi unanimes pour prédire une hausse des taux. 97% des 65 économistes interrogés par le Wall Street Journal prévoient que la Fed relèvera son taux directeur mercredi à l'issue de deux journées de réunion de son comité de politique monétaire.

Chômage au plus bas

Depuis fin 2008 et l'éclatement de la crise financière, la Fed a pris des mesures inédites d'assouplissement monétaire, injectant massivement des liquidités dans le système financier, tandis que les taux ont été maintenus entre 0 et 0,25% afin de soutenir la reprise. «A priori, plus rien ne fait obstacle à un relèvement des taux aux Etats-Unis», estime un analyste financier. La patronne de la Fed, Janet Yellen, a clairement préparé le terrain, intervenant à plusieurs reprises début décembre pour dire que l'économie américaine progressait «à un rythme modéré», que le marché de l'emploi s'améliorait et que l'inflation allait remonter vers l'objectif de 2%.

Les récents chiffres du marché du travail confirment son optimisme, affichant des créations d’emploi plus solides qu’attendues et un taux de chômage à 5%, au plus bas en sept ans. Alors, si les planètes s’alignent, il est temps de remonter les taux d’intérêt avant que l’inflation ne devienne un problème pour la deuxième puissance économique mondiale. Tel a été, depuis la dernière réunion du comité de politique monétaire en septembre, le message de Janet Yellen. La patronne de la Fed aurait bien du mal à décider le contraire mercredi.

Un statu quo de la politique monétaire, dont les taux d’intérêt oscillent entre 0 et 0,25%, serait aussitôt interprété comme le signe d’une faiblesse de l’économie américaine. Mais une remontée des taux ne serait pas, a contrario, sans effet.

Fuite des capitaux ?

Certes, de nombreux économistes redoutent une fuite des capitaux, des pays émergents notamment, vers les Etats-Unis. «Ce n'est pas la hausse attendue aux alentours de 0,25% qui provoquerait à elle seule un mouvement de fuite des capitaux vers les Etats-Unis. Mais plutôt le fait d'une anticipation économique, note Paul Hubert, chercheur à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). En clair, des gérants de fonds, des investisseurs vont sans doute se dire que ce premier relèvement des taux en annonce d'autres aux Etats-Unis. Et cette anticipation peut provoquer des remous sur les marchés financiers internationaux.»

De quoi mettre à mal la situation de certains pays, dont la valeur de la devise nationale flotte par rapport au billet vert et dont la dette extérieure publique et celles d’entreprises nationales sont libellées en dollars. C’est le cas du Brésil, de la Turquie, de l’Afrique du Sud, de l’Indonésie ou de la Russie. Une fuite des capitaux se traduirait aussitôt par une dépréciation de leurs devises… Qui à son tour renchérirait d’autant le montant de toutes les dettes contractées en dollars.

Parité euro-dollar

De ce côté-ci de l'Atlantique, une remontée des taux américains devrait accélérer la dépréciation de l'euro. Dans de nombreuses salles de marché, les paris sont pris : «La parité dollar-euro se fera avant la fin de l'année», estime un analyste financier. Voilà qui devrait satisfaire un autre président : celui de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, dont la stratégie de relance en zone euro est axée, en partie, sur une dépréciation de la monnaie unique. Mais dont les effets positifs se font attendre…