Pour les marchés financiers, ce serait une décision historique. La dernière fois remonte au 29 juin 2006. Ce jour-là, la Banque centrale des Etats-Unis (la Réserve fédérale, ou Fed) annonce que son comité de politique monétaire a décidé une hausse de 0,25 % des taux d’intérêt. Le taux de base, auquel les banques commerciales se financent, s’affiche à 5,25 %. L’économie américaine se porte à merveille… jusqu’à la crise des subprimes, quelques mois plus tard. Pour relancer la machine, la Fed fait marche arrière. Les taux vont baisser durant près d’une décennie, maintenus entre 0 et 0,25 % depuis 2008.
Mercredi, ce cycle pourrait toucher à sa fin. Jamais - même en septembre, lorsque beaucoup anticipaient un relèvement des taux finalement reporté à cause des inquiétudes sur l'économie chinoise - les experts n'ont été aussi unanimes pour prédire une hausse. La patronne de la Fed, Janet Yellen, a préparé le terrain, martelant que l'économie américaine progressait «à un rythme modéré», que le marché de l'emploi s'améliorait (le chômage est à 5 %) et que l'inflation allait remonter vers l'objectif de 2 %. Elle aura bien du mal à se déjuger mercredi, à l'issue de deux jours de réunion de son comité monétaire.
Une remontée des taux ne serait pas sans effet. De nombreux économistes redoutent une fuite des capitaux, des pays émergents notamment, vers les Etats-Unis. «Ce n'est pas la hausse attendue aux alentours de 0,25 % qui provoquerait à elle seule un mouvement de fuite, note Paul Hubert, chercheur à l'OFCE. Mais plutôt le fait que des gérants de fonds, des investisseurs, vont sans doute se dire que ce premier relèvement en annonce d'autres. Et cette anticipation peut provoquer des remous sur les marchés financiers.»
De quoi fragiliser certains pays dont la valeur de la devise nationale flotte par rapport au billet vert et dont la dette extérieure publique et celles d’entreprises nationales sont libellées en dollars. C’est le cas du Brésil, de la Turquie, de l’Afrique du Sud, de l’Indonésie ou de la Russie. Une fuite des capitaux se traduirait aussitôt par une dépréciation de leur devise… Qui à son tour renchérirait le montant de leurs dettes contractées en dollars.
De ce côté de l'Atlantique, une remontée des taux américains devrait accélérer la dépréciation de l'euro. Dans de nombreuses salles de marché, les paris sont pris : «La parité dollar-euro se fera avant la fin de l'année», estime un analyste. De quoi satisfaire le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, dont la stratégie de relance en zone euro est axée en partie sur une dépréciation de la monnaie unique.