Le cessez-le-feu au Yémen vacille mais, pour l’instant, il tient bon. Malgré des combats à Dhaleh (sud) et des tirs de mortiers sur Taëz (sud-ouest), la trêve de sept jours annoncée mardi se poursuit. Elle se double de pourparlers entre représentants du gouvernement et rebelles houthis en Suisse, sous l’égide de l’ONU.
Où en est la situation militaire ?
Elle est bloquée. Aucun des deux camps ne progresse ni ne recule. Lors de leur offensive lancée à l’été 2014, les rebelles houthis avaient réussi à s’emparer de la capitale, Sanaa, avant de progresser vers le centre et le sud, où ils avaient pris le contrôle de plusieurs provinces.
Issus de la minorité zaïdite, les houthis ont reçu le renfort d'unités de l'armée restées loyales à l'ancien président Ali Abdallah Saleh, chassé du pouvoir en 2012. Mais, depuis mars, les forces pro-gouvernementales, soutenues par une coalition emmenée par l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, ont lancé une contre-offensive. Elles ont repris le contrôle de cinq provinces du Sud, dont celle d'Aden. Elles tentent de progresser vers le nord mais restent bloquées à Taëz. «Les combats y sont essentiellement menés par des Yéménites, et non par les soldats des Emirats, qui ne combattent pas réellement. Les rebelles et leurs alliés tiennent bien leurs positions», explique Laurent Bonnefoy, chargé de recherche au CNRS. Les houthis tiennent aussi fermement la capitale.
Les pourparlers peuvent-ils aboutir ?
Pas à court terme, tant la situation est complexe. En Suisse, les discussions portent sur la mise en œuvre de la résolution 2 216 du Conseil de sécurité, qui exige le retrait des rebelles des zones conquises depuis le début de leur offensive et la restitution des armes lourdes au gouvernement. Mais la difficulté tient à la nature de la guerre, qui mêle questions religieuses et idéologiques à des intérêts de puissances extérieures.
Les rebelles, issus d’une minorité chiite, sont alliés à des milices et à des fidèles de l’ex-président Saleh, qui les a pourtant combattus lorsqu’il était au pouvoir. Les forces pro-gouvernementales reçoivent, elles, le soutien de groupes autonomistes et indépendantistes sudistes, même si cette alliance est fragile, ainsi que de formations islamistes et de tribus sunnites. Lorsqu’elles étaient sur le point de perdre Aden, au printemps dernier, l’Arabie Saoudite, qui considère le Yémen comme sa chasse gardée, s’est décidée à intervenir en bombardant massivement. Des soldats émiriens ont également été déployés au sol.
Face à eux, les rebelles houthis bénéficient de livraisons d'armes de l'Iran. Le conflit a profité à Al-Qaeda dans la péninsule arabique (Aqpa), la branche yéménite, considérée comme l'une des plus dangereuses de l'organisation. Les jihadistes ont pris le contrôle de l'Hadramaout, dans l'est, du port de Moukala et même de certains quartiers d'Aden. Jouant du chaos, ses rivaux de l'Etat islamique se sont également implantés ces derniers mois dans le pays. «La guerre au Yémen est passée sous les radars. Certes, l'ONU est impliquée, mais pas les Etats membres. Le problème est que sans pression internationale, le conflit ne cessera pas», explique Laurent Bonnefoy.
Comment évolue la situation humanitaire ?
Elle est dramatique. Depuis mars, la guerre a fait au moins 6 000 morts et 28 000 blessés. Huit habitants sur dix sont affectés. Pays le plus pauvre de la péninsule arabique, le Yémen importait 90% de ses besoins avant la guerre. La coalition a depuis imposé un blocus qui provoque des pénuries de nourriture et de médicaments. Le manque d’essence empêche également les générateurs de fonctionner et donc de puiser l’eau. Les ONG peinent à acheminer l’aide d’urgence. La situation est d’autant plus dure pour les civils qu’ils sont piégés à l’intérieur du pays. L’Arabie saoudite a fermé sa frontière et l’accès au sultanat d’Oman est quasi-impossible, les populations ne pouvant traverser des territoires contrôlés par Al-Qaeda. Reste l’exil via Djibouti, mais il nécessite de pouvoir rejoindre un port.