Les penseurs de l'Etat islamique ont malheureusement tout compris des sociétés contemporaines, et, notamment, de l'impact des images ou du pouvoir des réseaux sociaux. Contrairement à Al-Qaeda, qui se contentait d'afficher l'iconographie pieuse de Ben Laden dans sa grotte, l'Etat islamique s'est doté d'un outil de propagande résolument moderne qui déroule des horreurs à la manière d'un clip vidéo et sublime la moindre scène quotidienne au sein du «califat» dans des clichés léchés que l'on croirait tout droit sortis d'un magazine de luxe. L'objectif est, tout à la fois, d'épouvanter le quidam, de susciter une fascination malsaine et d'attirer de jeunes recrues en mal d'horizon. Mais aussi de pousser un maximum de médias tout autour de la planète à reprendre, reproduire, et retweeter la propagande ad nauseam afin que cette idéologie, en réalité d'un autre âge, se répande de façon virale.
Face à cette autre armada guerrière, chacun doit assumer ses responsabilités. Les médias, en prenant garde à ne pas tomber dans ce piège grossier et en précisant à chaque publication qu’il s’agit bien de propagande ; les géants du Net, en acceptant de participer à la complexe riposte ; les politiques, en évitant bien sûr de relayer les images choc, même pour les dénoncer. Marine Le Pen a donc commis la semaine dernière une erreur colossale en tweetant trois clichés d’exactions perpétrées par l’Etat islamique qui ont précisément fait le jeu des jihadistes. En ces temps incertains, où le moindre plaisantin ou malade mental est susceptible de faire atterrir un avion en catastrophe ou de bloquer un quartier entier, la prudence et le sang-froid compteront bientôt parmi les meilleures armes pour repousser les assauts de l’Etat islamique.