En Afrique, un nouveau concept est officiellement devenu le baromètre de la démocratie, ou plutôt de sa fragilité : le troisième mandat présidentiel, imposé au forceps via une révision express de la Constitution. Ces dernières années, les coups d’Etat constitutionnels se sont ainsi succédé à rythme de plus en plus accéléré. Le Togo ouvre le bal dès 2002, suivi du Tchad en 2005, du Cameroun et de l’Algérie en 2008, puis du Burundi et du Congo-Brazzaville en 2015.
Dans chacun de ces pays, la révision constitutionnelle a permis de conforter le maintien au pouvoir de dictateurs au bilan désastreux. Très discrets au départ, les Occidentaux froncent désormais les sourcils, les organisations des droits de l’homme s’indignent. Sans beaucoup d’effets. Une nouvelle volée de critiques a accompagné le référendum organisé vendredi au Rwanda sur la modification de la Constitution, approuvée par plus de 98 % de oui. Elle permet à l’actuel président, Paul Kagame, de se représenter en 2017 et même, en théorie, jusqu’en 2034. La réforme annoncée baisse certes la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans, mais introduit un septennat transitoire entre 2017 et 2024, qui remet les compteurs à zéro pour l’actuel homme fort, élu en 2003 et réélu en 2010.
Reste que le Rwanda est un cas à part. Totalement détruit lors du génocide de 1994, le pays affiche aujourd'hui 8 % de taux de croissance, a réussi à réduire de deux tiers la mortalité infantile et se voit régulièrement félicité pour ses «succès remarquables en matière de développement» par la Banque mondiale.
La prospérité (relative) et la stabilité ne peuvent justifier l’absence d’alternance au pouvoir. Mais que cela plaise ou non, il est probable qu’une écrasante majorité de Rwandais ait effectivement souhaité donner à Kagame la possibilité de se représenter. Non seulement en raison de son bilan économique et social, mais aussi parce que vingt ans après le génocide, il apparaît aux yeux de beaucoup comme le seul garant d’une réconciliation encore fragile dans un pays où tueurs et victimes sont condamnés à cohabiter.