Des immeubles emportés par une mer de boue rouge : les images en provenance de Shenzhen, dans le sud-est de la Chine, sont impressionnantes, tout comme le bilan provisoire de 85 disparus. Le glissement de terrain qui s’est produit dimanche n’a rien d’une catastrophe naturelle : la colline qui s’est écroulée était constituée d’un amas de terre excavée pour les immenses besoins immobiliers de cette ville. Située au bord du delta de la Rivière des perles et à la frontière avec Hongkong, l’ancienne municipalité rurale, devenue «zone économique spéciale» en 1980, compte aujourd’hui 10 millions d’habitants.
C’est à une trentaine de kilomètres du centre que, selon l’agence de presse officielle chinoise, la coulée de boue a touché 33 bâtiments, dont 14 usines, 2 immeubles de bureaux et 3 dortoirs d’ouvriers. Quelque 900 personnes ont pu être évacuées à temps, mais l’explosion d’un pipeline de gaz naturel a aggravé l’accident. Lundi, des centaines de secouristes, des dizaines de pelleteuses et de camions de pompiers continuaient à sonder le site, à la recherche de rescapés.
«Une catastrophe de ce genre ne passe plus inaperçue aujourd'hui en Chine, affirme le géographe Thierry Sanjuan (1). La population urbaine est devenue très sensible aux questions d'environnement, notamment la pollution de l'air et la destruction des espaces périurbains, gagnés au détriment des communautés rurales. Il semble dans ce cas que les autorités locales ont signé l'autorisation de décharge à un promoteur immobilier, ce qui, dans la tête des Chinois, veut dire qu'il y a eu du bakchich.»
Dans son éditorial, le Global Times, site progouvernemental en anglais, établit un parallèle avec l'explosion d'un entrepôt de produits chimiques dans le port de Tianjin, en août, qui a fait 173 morts et 800 blessés : «Les dégâts causés par ces accidents sont extrêmement regrettables et les leçons tirées ne doivent pas être oubliées.»
Selon Thierry Sanjuan, «le problème, ce ne sont pas les normes, c'est leur non-respect, dû souvent à une collusion entre les gouvernements locaux et des entreprises qui leur sont plus ou moins liées. Et comme nous sommes dans un Etat autoritaire et opaque, il n'y a pas de logique systématique et efficace de vérification des normes. La conscience politique du risque se heurte encore à la volonté de faire du développement et de l'argent à tout prix.»