C’est la première bataille d’envergure que livrent au sol à Ramadi les forces gouvernementales irakiennes contre le groupe Etat islamique (EI). Capitale de la grande province d’Al-Anbar, cette ville à majorité sunnite mais avec une importante minorité chiite – qui a largement fui la cité – avait été conquise en mai par les troupes jihadistes, qui signaient ainsi une série de victoires spectaculaires.
Depuis, aucune contre-offensive n’avait pu reprendre cette ville d’au moins 300 000 habitants située à une centaine de kilomètres de Bagdad et dont la reconquête aurait une grande portée, à la fois stratégique et symbolique. Elle éloignerait la menace des jihadistes sur Bagdad et faciliterait une progression des forces gouvernementales en direction de Mossoul, la seconde ville d’Irak, dont l’EI a fait son quartier général et où il a proclamé la création d’un califat en juin 2014.
L’attaque gouvernementale est soutenue par les bombardements intensifs de la coalition internationale, qui ont fait perdre à l’EI plusieurs routes d’acheminement de troupes et de munitions, ralentissant sa capacité de mouvement et provoquant l’anéantissement de ses dépôts logistiques. La semaine dernière, les forces irakiennes ont pu progresser sur deux fronts dans les banlieues de Ramadi. Mais on ignore si elles en ont repris le centre, où, selon un porte-parole du gouvernement, sont retranchés entre 250 et 300 combattants de l’EI, échappant aux frappes de la coalition grâce à un réseau de galeries.
Aucune défaite importante
En Irak, l’organisation d’Abou Bakr al-Baghdadi semble avoir perdu ses capacités d’initiatives fulgurantes qui lui ont permis de conquérir le tiers du pays. Aujourd’hui, elle apparaît davantage en situation défensive. Elle a ainsi perdu le contrôle de la ville de Baïji et sa grande raffinerie dans la province de Salaheddine en octobre, et de Sinja, à l’ouest de Mossoul, le mois dernier. Ces défaites l’ont privée d’une route d’approvisionnement stratégique entre l’Irak et la Syrie. L’EI a aussi échoué avec son offensive contre les Kurdes dans la province de Ninive, dans le nord de l’Irak, qui a été repoussée par les Peshmergas et les frappes de la coalition internationale.
L’Etat islamique doit aussi faire face à des attaques sur d’autres fronts dans le nord de l’Irak, menées par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à Sinjar. En Syrie, l’armée de Bachar al-Assad, appuyée par les frappes russes, est également à l’offensive à l’est d’Alep et dans les localités d’Al-Qaryatayn et de Palmyre. D’où la possibilité que l’organisation jihadiste se replie sur les régions arabo-sunnites en Irak et en Syrie, où il bénéficie d’un soutien de la population. Reste qu’il n’a subi encore aucune défaite importante, y compris quand il a perdu, en mars, Tikrit, la ville natale de Saddam Hussein, qu’il n’a pas vraiment cherché à défendre.
Parallèlement, son influence à l’extérieur de l’Irak et de la Syrie ne cesse de s’étendre, en particulier en Libye – où il contrôle près de 20 % du pays –, dans le Sinaï et dans les pays africains. Selon Soufan Group, un institut américain spécialisé dans le renseignement, le nombre de combattants étrangers en Irak et en Syrie a plus que doublé en un an et demi, pour atteindre 27 000. L’une des stratégies du groupe jihadiste étant d’obliger les pays de la coalition à se concentrer sur leur sécurité intérieure en déployant sur leur sol un maximum de soldats et de policiers, on peut craindre qu’il ait recours à nouveau à des attentats visant les populations de ces pays.