Entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, les tensions risquent d’être ravivées. La justice du Burkina a annoncé lundi avoir lancé un mandat d’arrêt international visant Blaise Compaoré, l'ancien président burkinabé, pour son rôle supposé dans l’assassinat de l’ex-chef de l’Etat Thomas Sankara en 1987. Exilé en Côte d’Ivoire après sa chute du pouvoir en octobre 2014, Compaoré n’a pas choisi son refuge au hasard. Il était le principal appui des rebelles ivoiriens dans les années 2000, qui soutenaient Ouattara, aujourd’hui devenu président.
Bruno Koné, porte-parole du gouvernement ivoirien, a déclaré à l'AFP ne pas avoir été informé de ce mandat. Selon des sources proches du dossier, il a pourtant été émis le 4 décembre et transmis aux autorités ivoiriennes. Selon elles, Blaise Compaoré est également inculpé pour «assassinat», «attentat» et «recel de cadavre».
Déjà douze inculpés
Ce mandat intervient donc dans le cadre d’une enquête, ouverte fin mars 2015, sur l’assassinat de Thomas Sankara. Cette icône africaine, ainsi que douze de ses hommes, ont été tués le 15 octobre 1987 lors d’un putsch qui a permis à Blaise Compaoré d’accéder au pouvoir. Ce dernier, frère d’armes de Sankara, est depuis le début soupçonné d’avoir commandité le meurtre de son ami, ce qu'il a toujours démenti.
Une demi-douzaine de personnes au moins, majoritairement des anciens soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré, ont déjà été inculpées pour les mêmes raisons dans cette affaire. Parmi elles figure le général Gilbert Diendéré, ancien chef du RSP, et auteur d'un putsch manqué en septembre 2015.
Simultanément, les résultats des analyses ADN pratiquées sur les dépouilles présumées de Sankara et de ses compagnons sont décevants : aucun ADN n'est détectable sur les cadavres exhumés fin mai, enterrés depuis vingt-huit ans. «L'état des restes ne permettaient pas au laboratoire de certifier l'existence d'ADN» sur les corps, a indiqué lundi l'avocat de la famille Sankara, Me Bénéwendé Stanislas Sankara. Les tests ont été réalisés par le laboratoire de police de Marseille. La famille a quinze jours pour demander une contre-expertise ou des analyses complémentaires.
Ces nouveaux éléments sont un défi pour le nouveau président burnikabé, Roch Marc Christian Kaboré, dont l’investiture est prévue le 29 décembre. L'enquête sur l'assassinat de Sankara n'a été ouverte qu'après la chute de Blaise Compaoré, chassé par une insurrection populaire après vingt-sept ans au pouvoir, alors qu'il espérait briguer un nouveau mandat. On ne sait pas quelle sera la position du nouveau président dans cette affaire. Ni si le pouvoir ivoirien, dont Compaoré est proche, donnera suite à ce mandat.