Cette fois-ci, c'est la bonne. Reportées de nombreuses fois, le premier tour de l'élection présidentielle en République centrafricaine doit avoir lieu mercredi. Dans ce pays d'Afrique centrale, les affrontrements religieux durent depuis trois ans et ont provoqué la mort de milliers de personnes. Musulmans ou chrétiens, à chacun sa persécution suivant le président au pouvoir. Depuis début 2014, après la démission forcée de Michel Djotodia, une présidence par intérim est assurée par Catherine Samba Panza, ancienne maire de Bangui, la capitale de la République centrafricaine.
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Ces élections populaires suscitent cependant peu de suspens. Malgré des chiffres qui donnent le tournis : trente personnalités en lice, les candidats sérieux se comptent sur les doigts d’une main. Trois se démarquent : Anicet Georges Dologuélé, Martin Ziguélé et Abdoul Karim Méckassoua. Des favoris guère surprenants puisque apparatchiks centrafricains. Deux d’entre eux sont des anciens Premiers ministres du défunt président Ange-Félix Patassé et l’autre, un ancien ministre de François Bozizé (le président renversé en 2013 par la rébellion musulmane).
Anicet Georges-Dologuélé, le rigoureux
«Rassemblement, paix, développement.» La devise de son parti politique, l'Union pour le renouveau centrafricain (URCA), se veut pleine de promesses. Car ces trois mots incarnent les aspirations des Centrafricains. «J'ai toujours plaisir à rappeler que, depuis 1996 jusqu'à aujourd'hui, la seule période où il n'y a pas eu une crise militaro-politique dans le pays, c'est quand j'étais Premier ministre», a expliqué Anicet Georges-Dologuélé lors du congrès de son parti, dans lequel il a été investi (sans surprise) candidat à la présidentielle.
A 58 ans, ce diplômé d’économie de l’université de Bordeaux, père de 4 enfants, a déjà une belle carrière politique. Premier ministre de 1999 à 2001 sous Ange-Félix Patassé, il devient ensuite le président de la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC) pendant huit ans.
Grâce aux travaux de réfection des édifices publics qu'il a entrepris durant sa primature, Anicet Georges-Dologuélé a hérité de la réputation de «Monsieur Propre». Selon ses propres termes, il a «les capacités, l'expérience, la légitimité et la motivation» pour diriger le pays. En toute modestie.
Martin Ziguélé, haut en couleurs
Le soixantenaire aux chemises multicolores préconise une vraie proximité avec les électeurs. Martin Ziguélé privilégie le terrain. En coucou de brousse, il a sillonné la République centrafricaine pendant sa campagne présidentielle. Pour sa dernière étape, il a choisi son fief électoral, Bocangara dans le nord-ouest du pays. «Je finis par ma région, pas pour les convaincre, car leur vote m'est acquis, mais pour les remercier», confie t-il. Déterminé, il ne néglige aucun détail pour s'assurer la victoire. Et pour captiver son auditoire, l'expert en assurances est plein de ressources. Il chante pendant son dernier discours, de quoi susciter une standing ovation.
S'il sait être léger, le candidat du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) peut aussi être ferme. A Kaga Bangoro, point de friction entre l'ex-rébellion Séléka et les milices anti-balaka, il a exhorté les jeunes «de désarmer immédiatement». Car rétablir la sécurité est sa priorité explicite. «Cela passerait par une remise en marche des forces armées structurées, des forces de police, ce qui a déjà été entamé par le gouvernement de transition en partenariat avec la communauté internationale», explique-t-il dans un entretien accordé, lundi, à Jeune Afrique. Une communauté internationale dans laquelle il a des liens, étant membre de l'Internationale socialiste.
Le successeur d'Anicet Georges-Dologuélé au poste de Premier ministre de Patassé en 2001 est à l'origine d'une opération «mains propres» visant les douaniers véreux. Adversaire historique de Bozizé, il a aussi encouragé son limogeage du poste de chef d'état-major de l'armée en 2001, pour «mauvaise manière de servir». Très impliqué dans la vie politique de son pays, il mise sur «la réconciliation des Centrafricains, chrétiens, musulmans».
Abdoul Karim Méckassoua, l’indépendant
«Nous réconcilier». Un maître mot pour lui aussi. Abdoul Karim Méckassoua se présente comme le «candidat de l'union». Connu pour avoir postulé à la présidence de transition en janvier 2014, cet ingénieur ergonome de 63 ans n'a ni parti politique ni vrai ancrage local.
Pourtant, il connaît les rouages du monde politique. Abdoul Karim Méckassoua traîne derrière lui un passé pustchiste (loin de le disqualifier). Il a participé à l’élaboration du coup d’Etat du 15 mars 2003, substituant François Bozizé à Ange-Félix Patassé. En récompense de sa fidélité, il est nommé ministre des Affaires étrangères puis hérite de cinq portefeuilles différents. Cependant, c’est Anicet Georges Dologuélé qui a reçu le soutien officiel de Bozizé et de son parti le Kwa Na Kwa (KNK).
Comme les autres, ce businessman du secteur minier n’a pas sous-estimé l’importance des campagnes électorales. Goodies et francs CFA, tout est bon pour appâter l’électeur. Après un grand défilé de motos, de voitures et de camions, le candidat de confession musulmane a même tenu un de ses meetings dans le quartier Combattant, l’un des fiefs des anti-balaka chrétiens. Proche du président congolais Denis Sassou Nguessou, il a bénéficié de son soutien financier pour sa campagne.