Menu
Libération
Moyen-Orient

Exécutions en Arabie Saoudite : manifestations et affrontements au Moyen-Orient

L’exécution de 47 «terroristes», dont un dignitaire chiite par l'Arabie saoudite a exacerbé dimanche les tensions déjà vives au Moyen-Orient, en particulier à Téhéran, où l'ambassade saoudienne a été en partie détruite.

Manifestation de saoudiens chiites à Qatif, le 2 janvier 2016 après l'exécution d'un chef religieux chiite (Photo STR. AFP)
Par AFP
Publié le 03/01/2016 à 7h41, mis à jour le 03/01/2016 à 16h03

L'Arabie Saoudite a exécuté 47 «terroristes», dont un chef religieux chiite figure de la contestation contre le régime, suscitant l'indignation dans le monde chiite et un regain de tensions au Moyen-Orient ce week-end.

Des affrontements entre la police et des manifestants chiites à Bahreïn ont fait plusieurs blessés dimanche, tandis que plus d'un millier de personnes ont manifesté à Téhéran pour protester contre la mise à mort du cheikh Nimr Baqer al-Nimr à proximité de l'ambassade de l'Arabie Saoudite, déjà en partie incendié pendant la nuit. «Sans aucun doute, le sang de ce martyr versé injustement portera ses fruits et la main divine le vengera des dirigeants saoudiens», a averti dimanche le guide suprême iranien, l'ayatollah Khamenei. Tout en dénonçant l'exécution, le président Hassan Rohani a qualifié d'«injustifiables» les attaques contre les représentations saoudiennes. 

Si l'indignation était particulièrement forte en Iran, l'exécution a également provoqué la colère dans les communautés chiites d'Arabie saoudite, d'Irak, du Liban et du Yémen. L'ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité chiite en Irak, a qualifié d'«agression» le «versement du sang pur» des exécutés. Au Liban, Cheikh Naïm Qassem, le numéro deux du Hezbollah allié de l'Iran, a dénoncé dimanche «une infamie et un signe de faiblesse de l'Arabie Saoudite, qui ne peut tolérer une opinion dissidente». Au Yémen, où l'Arabie Saoudite dirige une coalition militaire contre les rebelles chiites, l'association de théologiens liée aux rebelles a condamné l'exécution et prévenu d'«une révolution écrasante».

«Eviter l’exacerbation des tensions religieuses»

L'exécution du cheikh Nimr Baqer al-Nimr suscite aussi l'inquiétude de l'ONU, des Etats-Unis et de l'Union européenne, qui craignent qu'elle n'enflamme davantage les tensions entre chiites et sunnites dans la région. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, s'est dit «profondément consterné» par les exécutions, et a appelé «au calme et à la modération», Washington s'est de son côté dit inquiet que les «tensions communautaires» en Arabie ne «s'exacerbent à un moment où il est urgent de les apaiser». La France a de son côté appelé les responsables du Moyen-Orient à «tout faire pour éviter l'exacerbation des tensions sectaires et religieuses» dans la région.

Les condamnés – 45 Saoudiens, un Egyptien, un Tchadien –, jugés pour différentes affaires, ont été exécutés au sabre ou par balles dans 12 villes du royaume. La plupart étaient des jihadistes du groupe Al-Qaeda.

 Un virulent critique de la dynastie sunnite

Le cheikh Nimr Baqr al-Nimr, 56 ans, virulent critique de la dynastie sunnite des Al-Saoud, a été la figure de proue du mouvement de contestation qui avait éclaté en 2011, dans la foulée des printemps arabes, dans l’est de l’Arabie où vit l’essentiel de la minorité chiite. Cette communauté, concentrée dans la province orientale, riche en pétrole, se plaint d’être marginalisée dans ce pays majoritairement sunnite.

L'exécution du cheikh Nimr «provoquera la colère des jeunes» chiites en Arabie Saoudite, a mis en garde son frère, Mohamed al-Nimr. «Il y aura des réactions négatives à l'intérieur du royaume et à l'étranger mais nous espérons qu'elles seront pacifiques». Le cheikh Nimr avait été condamné à mort en octobre 2014 pour «terrorisme», «sédition», «désobéissance au souverain» et «port d'armes» par un tribunal de Riyad. L'ONG Amnesty International avait dénoncé un «procès inique». Son arrestation, en juillet 2012, avait déjà provoqué de violentes manifestations.