Le nucléaire militaire représente une assurance-vie pour les dictateurs même les moins fréquentables. Ceux qui, tels le Libyen Muammar al-Kadhafi ou l’Irakien Saddam Hussein, avaient abandonné leur programme atomique pour tenter de se relégitimer vis-à-vis de la communauté internationale ou sous la contrainte ont été renversés et tués. L’Ukraine qui, au moment de l’éclatement de l’URSS, avait renoncé à son arsenal nucléaire en échange de garanties internationales - y compris celles de la Russie - sur son intégrité territoriale l’a finalement payé très cher en 2014 avec l’annexion de la Crimée par Moscou et l’agression dans l’est du Donbass. La Corée du Nord a parfaitement compris cette règle. L’atome du «Cher Leader», comme cette explosion souterraine d’une bombe présentée comme thermonucléaire, malgré les doutes de la plupart des experts, ne vise pourtant pas seulement à sanctuariser cet ultime rogaton d’un stalinisme devenu dynastique. A la différence du programme nucléaire iranien, mis au moins provisoirement sous contrôle par l’accord avec les grandes puissances, celui de Pyongyang ne vise pas à faire de ce royaume ermite une puissance régionale, et il ne menace pas directement ses voisins. Mais il est à bien des égards aussi dangereux.
Les Nord-Coréens ont été et restent des exportateurs de technologie nucléaire et plus encore de technologies balistiques vis-à-vis de pays aussi pacifiques que la Syrie, le Pakistan ou l'Iran. Avec des tirs de fusées ou comme hier une quatrième explosion atomique, Pyongyang veut autant galvaniser la population en faisant croire que le pays est désormais l'égal des plus grands qu'accroître ses capacités de négociations. Au-delà des mots et d'une nouvelle condamnation du Conseil de sécurité, la communauté internationale ne peut pas faire grand-chose. La Corée du Nord est sous embargo américain depuis soixante ans et les sanctions internationales ont été durcies depuis 2006. En outre, la Chine craint un effondrement du régime qui aurait sur elle des répercussions directes. Le pouvoir de nuisance paye et le Cher Leader, Kim troisième du nom, le sait mieux que quiconque. Il peut savourer pleinement cette explosion organisée pour son 33e anniversaire.