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Libération

Le fossé se creuse entre Israël et sa minorité arabe

publié le 10 janvier 2016 à 19h31

Le malaise d'Israël vis-à-vis de sa minorité arabe ne cesse de s'accroître. Deux jours après la «liquidation» de Nichaat Mulhem, le terroriste qui avait tué deux personnes en ouvrant le feu sur une terrasse de Tel-Aviv avant d'abattre un chauffeur de taxi, le 1er janvier, l'enquête réserve son lot de surprises. Car pendant que la police et le Shabak (la Sûreté générale) le traquaient à Tel-Aviv, le tueur à la mitraillette se planquait tranquillement dans son village d'Arara. Là, certains de ses cousins et amis lui ont offert leur aide pour lui permettre de camper dans des logements appartenant à des proches. Pourtant, les représentants politiques et religieux de la communauté arabe d'Israël (20 % de la population) avaient dénoncé la tuerie. Cela n'a pas empêché une partie du village de protéger le fuyard jusqu'à ce que son avocat le dénonce en envoyant un SMS au Shabak.

«Secteur arabe». «Cette affaire confirme l'existence d'un gros malaise. Beaucoup, parmi le million et demi d'Arabes vivant dans ce pays, se considèrent comme des citoyens de seconde zone. Des "sous-Israéliens" délaissés par les institutions publiques, qui se préoccuperaient d'abord du bien-être de la majorité juive avant le leur», estime le chroniqueur Amnon Abramowicz. Depuis sa création en 1948, l'Etat hébreu a très peu investi dans le «secteur arabe» où les soins médicaux, l'éducation et les aides sociales sont d'un niveau moindre que dans le reste du pays. Certes, plusieurs gouvernements, dont ceux de Barak et Olmert, ont, depuis la fin des années 90, promis des «investissements massifs» dans les villes et villages arabes. Mais les administrés n'ont rien vu, sauf dans quelques endroits touristiques tels Jaffa (une partie de Tel-Aviv) et Nazareth.

Au début de l'année, Benyamin Nétanyahou a dévoilé un plan de 3,8 milliards d'euros prévoyant «des investissements sans précédent dans les domaines sociaux, culturels et touristiques» et la création d'une ville nouvelle arabe. Or, rien n'a encore été budgétisé. Et, après la tuerie de Tel-Aviv, il a confirmé que le plan serait assorti de conditions définies par les deux ministres les plus à droite du Likoud. «Autant dire que ce plan est mort-né», lâche Ayman Odeh, chef de file des douze élus arabes à la Knesset.

Cinquième colonne. Le «cas Mulhem» conforte les préjugés de la majorité juive d'Israël, selon lesquels les Arabes ne sont «pas fiables» et constitueraient une sorte de cinquième colonne, plus tournée vers la Cisjordanie palestinienne que vers le reste de l'Etat hébreu. «Et ça vous étonne ? interrogeait dimanche un imam de Haïfa sur une radio privée. Tant que le conflit avec les Palestiniens ne sera pas résolu et que l'Etat ne nous accordera pas les mêmes chances qu'au reste de la population, il est peu probable que vous trouviez en nous les serviteurs fidèles et obéissants dont vous rêvez depuis 1948.»