Assiégés depuis six mois par l’armée d’Al-Assad, les 40 000 habitants de Madaya meurent peu à peu de faim dans la quasi-indifférence du monde. Aujourd’hui, peut-être, un convoi de vivres de l’ONU et de la Croix-Rouge devrait finalement être autorisé à y entrer et des aides similaires devraient arriver à Fouad et Kafraya, deux petites villes chiites encerclées, elles, par les rebelles. Un échange laborieusement négocié avec le «boucher de Damas». La faim est devenue une arme de guerre en Syrie, utilisée en premier lieu par le régime pour réduire sans trop de pertes les poches de résistance rebelles situées dans les zones stratégiques. A Madaya, les habitants survivent en faisant bouillir les feuilles des arbres ou en se nourrissant de la viande des derniers chats et chiens errants. L’arrivée de ces vivres, les premiers depuis octobre, ne réglera pas la situation.
Cette tragédie se déroule à une dizaine de kilomètres à peine de la frontière libanaise. «A moins d'une minute de vol pour des Hercules à même de faire des largages de vivres», relève David Blair du Daily Telegraph. De tels parachutages furent effectués à l'été 2014 sur les monts Sinjar, au nord de l'Irak, où s'étaient réfugiés des dizaines de milliers de yézidis fuyant les massacres de l'Etat islamique. Mais cela n'est pas à l'ordre du jour des Américains, des Français ou des Britanniques, les pays les plus engagés dans les opérations aériennes en Syrie contre l'EI menées avec l'accord implicite de Damas. Les Russes ne se privent pas de pousser leur propre agenda, bombardant un peu l'EI et surtout les forces de la résistance hostiles à Al-Assad pour tenter de sauver son pouvoir. Les Occidentaux, eux, restent fidèles à leur feuille de route et ne veulent surtout pas braquer le régime alors qu'ils espèrent la reprise de négociations à Genève.
L’argument technique est toujours le même, déjà employé pour refuser de créer une zone d’exclusion aérienne à même d’ empêcher les bombardements du régime les populations civiles : le redoutable système de défense aérien syrien construit avec l’assistance russe. Mais depuis la fin de la guerre de 1973, ces terribles missiles ont tout juste été capables d’abattre un avion de reconnaissance turque désarmé, il y a trois ans. Les Israéliens ont pu mener de nombreuses incursions, y compris en 2007, pour la destruction d’un site nucléaire, sans subir la moindre perte. De brèves incursions pour des parachutages près de la frontière semblent donc possibles. Mais les Occidentaux n’ont toujours pas de stratégie dans le conflit syrien depuis la grande dérobade de Barack Obama à l’été 2013, quand, malgré ses engagements, il refusa de bombarder un régime qui utilisa l’arme chimique contre sa propre population.