Le calvaire des habitants de Madaya va-t-il, au moins temporairement, prendre fin ? Parti de Damas, à une heure de route, un convoi d'aide humanitaire est arrivé lundi en fin d'après-midi dans la ville. Aucune aide n'était parvenue à Madaya depuis octobre. Assiégés et affamés, les 42 000 habitants en sont réduits à manger des feuilles d'olivier, des chats et des chiens errants, parfois des ânes. Les médecins n'ont plus de médicaments et doivent se contenter de donner de l'eau salée à leurs patients. Au moins 28 personnes, dont six enfants, sont mortes de faim depuis le 1er décembre dans une clinique aidée par Médecins sans frontières (MSF).
«Il n'y a aucun moyen d’y entrer ou d’en sortir, juste y mourir»
A proximité de la frontière libanaise, la ville est contrôlée par des rebelles. Elle est aussi encerclée par l'armée syrienne et ses alliés du Hezbollah libanais qui ont tendu des fils de fer barbelés, posé des mines et déployé des snipers. Madaya est «une prison à ciel ouvert», a déclaré le directeur des opérations de MSF, Brice de le Vingne. «Il n'y a aucun moyen d'y entrer ou d'en sortir, juste y mourir», a-t-il ajouté.
Le siège remonte à juillet dernier. Les forces pro-régime tentent alors de chasser les rebelles, menés par les salafistes d’Ahrar al-Sham, de la ville voisine de Zabadani. L’assaut se double de l’encerclement de Madaya, où se sont réfugiés des habitants de Zabadani. En représailles, les rebelles d’Ahrar al-Sham et leurs alliés resserrent leur siège sur deux villages chiites fidèles au régime, Foua et Kefraya, situés à plusieurs centaines de kilomètres dans la province d’Idlib.
Près de 400 000 Syriens assiégés
Fin août, l’ONU participe à l’élaboration d’une trêve de six mois entre régime et rebelles. L’accord est complexe mais il est censé constituer un modèle à répliquer ailleurs en Syrie. Les cessez-le-feu se succèdent à Zabadani, Foua et Kefraya. Fin décembre, quelques centaines de combattants et civils blessés sont autorisés à quitter les trois localités. Mais à Madaya, le siège se poursuit. Les habitants épuisent leurs réserves et observent, impuissants, l’explosion des prix des produits de base alors que l’hiver s’installe. Des activistes et des humanitaires syriens lancent une campagne sur les réseaux sociaux, diffusant les photos d’enfants et de vieillards décharnés. Le régime syrien a beau nier et affirmer qu’il s’agit de montages, les témoignages se multiplient.
L'ONU, qui joue sa crédibilité, relance les négociations avec Damas et les rebelles. «Il s'agit d'une opération énorme et complexe car elle doit être synchronisée entre Madaya, Kefraya et Foua», expliquait vendredi Pawel Krzysiek, porte-parole du Comité international de la Croix Rouge à Damas. Au total, selon les Nations unies, près de 400 000 Syriens sont aujourd'hui assiégés. Une majorité l'est par des jihadistes de l'Etat islamique dans l'est du pays. Un peu moins de 200 000 sont encerclés par les forces du régime. Les rebelles, surtout d'Ahrar al-Sham, assiègent, eux, environ 12 000 personnes dans des villes du nord syrien. Selon l'ONU, seuls 10 % des convois d'aide humanitaire sont autorisés à pénétrer dans les localités assiégées.