L'Iran a appréhendé mardi deux navires militaires américains et leurs dix marins dans ses eaux territoriales et les Etats-Unis s'efforçaient de les récupérer. Un incident entre deux pays en plein rapprochement, 35 ans après la rupture de leurs relations diplomatiques. Cet incident dans les eaux très stratégiques du Golfe est survenu juste avant le solennel et ultime discours sur l'état de l'Union devant le Congrès, où le président Barack Obama a décliné mardi soir ses priorités en matière de politiques intérieure et étrangère, pour sa dernière année à la Maison Blanche.
«Plus tôt dans la journée, nous avons perdu le contact avec deux petits navires militaires qui naviguaient entre le Koweït et Bahreïn», a annoncé un responsable de l'administration américaine. Quelques heures plus tard, en pleine nuit en Iran, les Gardiens de la révolution, l'armée d'élite du régime islamique, ont confirmé la saisie de «deux bateaux de guerre américains» avec «dix marins armés» à bord, accusés d'avoir «pénétré dans les eaux territoriales iraniennes», dans le Golfe. Selon cette source officielle iranienne, cela s'est produit près de l'île Farsi, où l'équipage a été emmené. «Les passagers américains, neuf hommes et une femme [...] sont en bonne santé», ont assuré les Gardiens de la révolution.
Ne pas jeter d'huile sur le feu
«Après examen, il s'est avéré que l'entrée des marins américains dans les eaux territoriales iraniennes était due à une panne de leur système de navigation. Le problème est en train d'être réglé, a finalement expliqué mercredi le commandant des forces navales des Gardiens de la révolution, l'amiral Ali Fadavi. Je crois que cela [la libération des marins, ndlr] ne prendra pas beaucoup de temps avant que nous recevions les ordres pour la décision finale qui sera probablement leur libération». Il a ajouté que l'action des marins n'était «pas hostile ou n'était pas destinée à faire de l'espionnage».
Dès que l'incident a été rendu public, mardi en début de soirée aux Etats-Unis, Washington s'était abstenu de jeter de l'huile sur le feu, affirmant que ses marins allaient bien et qu'ils pourraient très vite repartir. «Nous avons été en contact avec les Iraniens [qui] nous ont assuré qu'ils étaient en sécurité et qu'ils pourront poursuivre leur voyage rapidement, avait affirmé sur CNN la directrice de la communication de la Maison Blanche, Jennifer Psaki. Nous prenons évidemment très au sérieux une situation comme celle-là et c'est pour cela que nous avons agi très vite.»
Signe de l’importance de l’incident, le secrétaire d’Etat John Kerry a eu au téléphone son homologue iranien Mohammad Javad Zarif, a confié un diplomate du département d’Etat, sans rien révéler de la teneur de leur conversation.
Amorce d'une réconciliation
L’Iran et les Etats-Unis sont en principe toujours adversaires depuis la rupture de leurs relations diplomatiques en avril 1980 dans la foulée de la Révolution islamique, mais les deux ministres des Affaires étrangères sont en contacts réguliers depuis l’automne 2013 à la faveur des négociations sur le dossier nucléaire iranien. Ces dernières ont abouti à un accord historique scellé à Vienne le 14 juillet dernier entre les grandes puissances et l’Iran qui vise à garantir que la République islamique chiite ne se dote pas de la bombe atomique, en échange d’une levée progressive et contrôlée des sanctions internationales. L’accord, qui doit d’ailleurs être mis en œuvre dans les prochains jours, a mis en rage les alliés traditionnels de l’Amérique, l’Arabie Saoudite et Israël notamment, qui y voient l’amorce d’une réconciliation Washington-Téhéran.
Même si l'administration Obama se défend de tout projet de rétablissement des relations diplomatiques avec la bête noire iranienne, elle cherche à ramener un certain «équilibre» au Moyen-Orient, dans l'espoir de régler les guerres de la région et d'abord celle qui ravage la Syrie, analysent des experts.
Juste avant le discours sur l'état de l'Union, le dernier du président Obama, son opposition républicaine a tiré à boulets rouges : l'un des candidats à la présidentielle 2016, le sénateur Marco Rubio, a jugé que «l'Iran testait les limites de la détermination de cette administration». Il a promis que s'il était élu en novembre, il «abrogerait l'accord nucléaire que Barack Obama a signé avec l'Iran».