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Libération
Décryptage

Dérives autoritaires en Pologne : l’Union européenne se saisit du dossier

publié le 13 janvier 2016 à 19h51

Ce n'est pas encore un procès, mais cela y ressemble. Le gouvernement polonais devait s'expliquer mercredi devant la Commission européenne sur ses lois controversées sur les médias et le tribunal constitutionnel. Il n'est question que d'un simple «débat d'orientation». Si aucune sanction n'est pour l'heure au programme, cela marque le début des problèmes pour Varsovie. Le président Andrzej Duda, élu en mai, et Beata Szydlo, la chef du gouvernement conservation et europhobe PiS (Droit et Justice) issu des législatives d'octobre, se succéderont les 18 et 19 janvier à Bruxelles. Soupçonnée d'être la femme de paille de Jaroslaw Kaczynski, le fondateur et dirigeant du PiS, Beata Szydlo défendra sa politique devant le Parlement européen. La menace d'un divorce entre l'est de l'UE - la Pologne étant soutenue par la Hongrie de Viktor Orbán et dans une moindre mesure par la Slovaquie et la République tchèque - et l'ouest, terre des vieilles démocraties, est présente dans toutes les têtes.

Que reproche-t-on au pouvoir Polonais ?

En quelques semaines, les conservateurs du PiS ont limogé les chefs de toutes les agences de sécurité, nommé hors procédure leurs hommes au sein du Tribunal constitutionnel et pris le contrôle des médias audiovisuels publics. Montrant ainsi leur volonté d’exercer un pouvoir absolu. Ces dispositions ont été condamnées par l’opposition, qui organise régulièrement depuis plus d’un mois des manifestations à Varsovie et dans le reste du pays. En Europe, on estime que c’est le respect de l’Etat de droit, à savoir la base même de la démocratie, qui est en cause.

Que peut faire l’UE ?

Elle brandit la menace d'une procédure pour atteinte à l'Etat de droit. Ce mécanisme, mis en place en 2014, n'avait jamais été utilisé jusqu'au «débat» de mercredi, qui a ouvert une phase d'évaluation et donnera lieu à un avis. Lors de l'étape suivante, la Commission pourrait faire une recommandation. Si elle n'est pas suivie d'effet, elle peut aller jusqu'à priver la Pologne de son droit de vote au sein des réunions de l'UE. Une perspective guère crédible, le président hongrois Viktor Orbán, qui agit lui aussi comme un autocrate (il a réformé au profit de son parti la Constitution et étouffé la liberté de la presse), ayant déjà fait comprendre la semaine dernière que la Hongrie mettrait son veto «à toute sanction» contre la Pologne.

Pourquoi l’Europe a-t-elle réagi si vite ?

Sans doute parce qu’elle a tardé à le faire avec la Hongrie et qu’elle s’aperçoit que l’Est est de plus en plus gagnée par le virus nationaliste. En 2012, l’UE a ouvert trois procédures d’infraction contre Budapest, le tout s’étant soldé par une vague condamnation du Parlement européen. Certes, la participation de partis d’extrême droite dans des gouvernements ou leur soutien à des coalitions de droite, comme au Danemark ou aux Pays-Bas, ont cessé d’être un tabou à l’Est. Mais aucun de ces pays n’a jamais tenté de supprimer la liberté de la presse ou d’attenter à l’indépendance de la justice.

L’Europe centrale fait-elle bande à part ?

Le Groupe de Visegrád (Hongrie, Slovaquie, Pologne et République Tchèque), dont l'intégration à l'UE en 2004 a peut-être été trop rapide selon de nombreux observateurs, fait plus que jamais figure de bloc eurosceptique au sein de l'UE. Cet été, il a été le premier à faire entendre un ton dissonant sur la répartition des migrants. Nations plus ethniques que politiques, ces pays souffrent d'un déficit d'attention envers les minorités. En juin dernier, le Conseil de l'Europe a épinglé la Hongrie pour son «discours de haine» envers les Roms, les juifs, les LGBT et les réfugiés. Et la Pologne pour son attitude envers les homosexuels et les musulmans.