L’étau se resserre sur Angela Merkel dans la crise des réfugiés. Mardi, une quarantaine de députés de son propre camp lui ont remis une lettre dans laquelle ils demandent une inversion de la politique d’accueil, alors que, chaque jour, 2 000 à 3 000 personnes continuent d’arriver. Au rythme actuel, l’Allemagne pourrait de nouveau accueillir plus d’un million de demandeurs d’asile en 2016, comme déjà en 2015.
Plainte. En ajoutant aux 44 frondeurs de la CDU l'intégralité du groupe parlementaire bavarois CSU, massivement hostile, on frôle les 100 députés prêts à en découdre avec leur chancelière. Soit un tiers du groupe parlementaire CDU-CSU au Bundestag. La CSU, aux premières loges depuis le début de la crise - la plupart des nouveaux venus transitent par la frontière entre l'Autriche et la Bavière -, menace même Merkel d'une plainte devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe pour non-respect de son devoir de protéger les frontières. Plus inquiétant encore, le SPD, partenaire de coalition de Merkel, signale lui aussi son impatience. L'ancien chancelier Gerhard Schröder a estimé «dangereux» que l'on puisse avoir l'impression que les frontières nationales n'aient plus d'importance. Le président du parti, le vice-chancelier Sigmar Gabriel, note pour sa part que «ce qui ne va pas, c'est que Mme Merkel se fasse ovationner pour avoir invité un million de demandeurs d'asile du monde arabe, déclare qu'on y arrivera, mais se défausse ensuite lorsqu'il s'agit d'investir dans l'intégration de tous ces gens».
«Pour Angela Merkel la situation est difficile, mais pas dangereuse à mon avis, relativise le politologue Gero Neugebauer, de l'Université libre de Berlin. Tant qu'elle n'a pas de concurrent potentiel au sein de la CDU, elle n'est pas vraiment menacée. Mais il est clair qu'elle aura des comptes à rendre aux cadres du parti après les élections régionales de la mi-mars. Pour l'instant, elle continue de s'opposer à la notion de quotas, mais je suis persuadé qu'elle va y venir d'ici quelques mois.» Réputée pour son pragmatisme, la chancelière attendrait le probable échec des solutions proposées par l'UE pour fermer les frontières.
Expulsions. D'ici là, le gouvernement met en avant les chiffres en hausse des expulsions : 2 000 sur les deux premières semaines de janvier, contre 400 en novembre et 700 en décembre. Depuis le début de l'année, l'Allemagne ne laisse plus entrer sur son sol les réfugiés souhaitant se rendre en Suède ou au Danemark, qui ont fermé leurs frontières. Il en faudrait plus pour rassurer l'opinion. 56 % des Allemands désapprouvent la politique d'Angela Merkel envers les migrants. Ils n'étaient que 49 % en décembre. Seules 37 % des personnes interrogées approuvent le cours suivi. Enfin, s'ils devaient voter dimanche, seuls 35 à 37 % des sondés donneraient leur voix à la CDU. Le petit parti populiste AfD est entre-temps monté à 11 % des intentions de vote.