Trois semaines après la terrible nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne, on commence à peine à saisir les contours de ce drame. Et pourtant, que n’a-t-on écrit et lu sur le sujet ! Combien de spécialistes autoproclamés de la question de
□ l’islam
□ les migrants et la politique migratoire
□ la société multiculturelle ou le modèle allemand
□ la laïcité
□ les violences faites aux femmes
□ l’antiracisme
□ autres
(cocher la ou les cases, plusieurs réponses sont possibles)
se sont sentis autorisés à donner un avis définitif sur la question, sommant même les féministes d’avoir un avis tout autant tranché sur ces mêmes questions. On notera au passage qu’on aura rarement autant parlé d’agressions sexuelles. Tant mieux. L’origine supposée des coupables aura sûrement aidé à découvrir chez beaucoup de ces penseurs une fibre féministe jusqu’à présent ignorée.
Passons, et revenons à Cologne. A Libération, nous avons traité cette triste affaire avec prudence, mais sans déni, dès le 5 janvier, et nous avons depuis cherché à comprendre, sans trouver d'excuses à quiconque et encore moins aux agresseurs, ce qui avait bien pu déclencher une telle folie collective.
Nous nous garderons bien de tirer des conclusions définitives, mais quelques pistes de réflexion se dessinent. D’abord, pas de déni : il faut faire toute la lumière sur les violences de Cologne, au nom des victimes avant tout. Elles rappellent que les femmes sont, à Cologne comme dans les camps de réfugiés syriens en Turquie ou sur la place Tahrir, dans les campus américains ou derrière les portes fermées des maisons françaises, victimes du sexisme et de la violence des hommes. Ensuite, l’arrivée massive de réfugiés et d’immigrés pose un défi majeur à l’Allemagne, et à l’Europe. Il doit y avoir une réponse adéquate et urgente de l’Etat : non en adaptant notre mode de vie, mais en créant les conditions pour que l’intégration de ces nouveaux arrivants soit un succès. Le rapport des hommes au corps des femmes, les questions de l’émancipation, de la liberté, et de l’égalité se posent différemment dans les pays du Moyen-Orient et du Maghreb que chez les citoyens européens, c’est évident. Mais elles se posent à tous. Enfin, il ne faut surtout pas instrumentaliser le drame de Cologne ni le faire entrer dans des fantasmes et des grilles de lecture toutes faites. C’est une nouvelle violence faite aux femmes. Une de trop.