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Libération
Vu de Madrid

En Espagne, un front de gauche se profile

Le leader de Podemos s'est dit prêt à travailler avec le Parti socialiste (PSOE) pour former un gouvernement.
Photo de groupe des députés du parti Podemos au parlement espagnol à Madrid, le 13 janvier (au centre, Pablo Iglesias). (Photo Andrea Comas. Reuters)
publié le 22 janvier 2016 à 15h10

Un front de gauche en Espagne, sur le modèle du Portugal où, malgré la victoire de la droite, une alliance des «forces progressistes» a récemment permis de former un gouvernement ? A la surprise générale, cela semble en prendre la direction : après avoir posé des exigences radicales pour former une coalition avec les socialistes, les indignés de Podemos se sont montrés disposés à «impulser un exécutif de changement».

Au terme du scrutin, la courte victoire, avec 129 sièges, de la droite conservatrice (au pouvoir depuis 2011) ne sert pas à grand-chose à cette dernière, étant donné que la majorité absolue demeure lointaine (176 sièges) et que, hormis les centristes de Ciudadanos (Parti de la citoyenneté), elle est isolée sur l'échiquier politique. Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), de son côté, en dépit du pire score de son histoire (90 sièges), frôlerait le contrôle du Parlement en cas de soutien de Podemos, le «Syriza espagnol» qui, avec 69 députés, a fait une entrée fracassante dans la Chambre.

Alors que le jeune roi Philippe VI recevait les leaders des principales formations pour tenter de former un nouveau gouvernement, le chef de file de Podemos, Pablo Iglesias, a avancé un pion décisif : «Nous avons décidé de prendre l'initiative, de faire un pas en avant. En ces temps historiques, les attitudes couardes n'ont pas lieu d'être. Ou bien nous allons vers le changement, ou bien le pays se cantonne dans l'immobilisme et le blocage institutionnel.» Le leader de Podemos opère là une volte-face spectaculaire : jusqu'alors, il conditionnait un appui au socialiste Pedro Sanchez à la tenue d'un référendum d'autodétermination en Catalogne, chose inacceptable pour ce dernier, pour qui, comme pour la droite, «l'unité de l'Espagne n'est pas négociable».

Programmes convergents

Les jeux ne sont pas entièrement faits. Reste désormais à savoir si le candidat socialiste Pedro Sanchez, contesté au sein de ses rangs, acceptera la proposition de Pablo Iglesias. Mais si les puissantes baronnies de sa formation lui accordent leur feu vert, rien ne devrait freiner son ambition de présider le prochain exécutif espagnol avec les «indignés» : Podemos a renoncé à l’impératif d’une consultation en Catalogne. Par ailleurs, les deux programmes, celui de Podemos et des socialistes, sont semblables sur de nombreux points : hausse du salaire minimum, blindage des dépenses de santé et d’éducation, abrogation de la réforme du marché du travail mise en place par le Parti populaire (PP) en 2012, consolidation des retraites, etc.

Plusieurs inconnues demeurent cependant au tableau. A commencer par l'attitude du chef du gouvernement sortant, Mariano Rajoy, un champion de l'immobilisme qui vient de déclarer, en clin d'œil au film le Parrain : «J'ai une proposition à faire au Parti socialiste que celui-ci ne peut refuser !» On peut supposer qu'il s'agit de la réforme de la Constitution, que Pedro Sanchez appelle de ses vœux mais qui est impossible sans l'assentiment de la droite. Le leader socialiste est désormais devant un dilemme : une coalition à l'allemande (avec le PP), peu acceptable pour les siens, ou une coalition à la portugaise (avec Podemos) dont le prix minimum à payer sera la reconnaissance du «droit à décider» (le principe d'un référendum, non sa tenue) pour le Pays basque et la Catalogne.