Rire de tout en Egypte ? Pas avec tout le monde et surtout pas avec les policiers. Pour célébrer le 5e anniversaire de la révolution, le 25 janvier, aucune cérémonie n'était prévue. Les autorités auraient tout fait pour empêcher la jeunesse, qui estime que sa révolte a été confisquée, de se rassembler. C'était sans compter l'imagination de deux copains qui ont voulu braver ce vide commémoratif via un gag beaucoup trop subversif aux yeux des autorités.
Les deux jeunes Egyptiens, Chadi Abou Zayd, un producteur de l'émission satirique à succès Abla Fahita, et le comédien Ahmed Malek ont gonflé des préservatifs et inscrit dessus «de la part de la jeunesse égyptienne pour la police en ce 25 janvier». Le drapeau égyptien d'une main et les «ballons» de l'autre, ils se sont amusés à embrasser et enlacer les policiers et militaires armés, tout sourire, qui encerclaient la place Tahrir avant de les leur distribuer. Ces «ballons» étaient en fait des préservatifs gonflés... Si ces derniers avaient l'air ravi, c'était avant de découvrir la supercherie.
Le tout, filmé, mis en ligne lundi et vu 1,9 million de fois, est rapidement remonté aux oreilles du ministère de l'Intérieur. L'affront, en haut lieu, serait pris très au sérieux. Comme le rapporte le journal Arabi21, les forces de l'ordre se seraient senties humiliées.
A tel point qu'un haut dirigeant de la police a donné, mardi, l'ordre de traquer les deux comiques en vue de les arrêter, rapporte Aswat Masriya. On ne sait pas à cette heure s'ils ont ou non été interpellés.
Sur la page Facebook «La police égyptienne», très populaire parmi les policiers, qui compte 900 000 «fans», plusieurs commentateurs menacent de faire justice eux-mêmes si la sanction n'est pas assez sévère.
بيان هام من اسرة برنامج ابلة فاهيتا..بمناسبة الفيديو الذي تم تداوله منذ أمس علي مواقع التواصل الإجتماعي في صورة تقرير …
Posté par <a href="https://www.facebook.com/abla.fahita/">Abla Fahita</a> sur <a href="https://www.facebook.com/abla.fahita/posts/529667300537545">mardi 26 janvier 2016</a>
Chadi Abou Zayd, lui, assume son geste, comme le montre une vidéo postée le soir 25 janvier sur son compte Facebook ainsi que ses posts ultérieurs, dont celui-ci:
طالما هي مبقاش فيها مظاهرات ولا صوت معارض…يبقى هنفضل نسف عليكم...حتى واحنا بنموت هنموت واحنا بنسف عليكم...يارب تكونوا انبسطوا معانا.
Posté par <a href="https://www.facebook.com/shady.h.abuzaid">Shady H. AbuZaid</a> sur <a href="https://www.facebook.com/shady.h.abuzaid/posts/10156459814330402">lundi 25 janvier 2016</a>
<em>«Tant qu'il n'y a pas de manifestations ou de voix d'opposition, nous continuerons à nous moquer de vous. Même en mourant, nous mourons en nous moquant de vous. Nous espérons que vous vous êtes bien amusés avec nous.»</em>
«Je tiens à m'excuser à toute personne qui s'est sentie heurtée par cette vidéo et en particulier à la police. Je ne pensais pas que cette vidéo allait être vue en dehors de mon cercle d'amis, même si ça ne justifie en rien mon erreur. Je n'ai que 20 ans et à cet âge malheureusement on ne réfléchit pas trop avant d'agir […]. J'ai rapidement regretté sa publication mais quand j'ai voulu la supprimer, c'était déjà trop tard, elle circulait partout sur les réseaux sociaux. Je ne veux pas que ce soit dégradant pour la révolution qui a eu lieu». Il exprime en outre sa frustration d'appartenir à une génération qui ne peut pas s'exprimer librement. Une nouvelle preuve que l'esprit de révolte qui a dominé la révolution de la place Tahrir n'est plus qu'un souvenir.