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Libération
Analyse

Traité de libre-échange transpacifique : Obama persiste et signe sans la Chine

Par
Vittorio De Filippis
Publié le 04/02/2016 à 19h31

Barack Obama n'aura pas attendu une minute de plus. Jeudi, aussitôt signé l'accord en Nouvelle-Zélande du partenariat transpacifique créant la plus vaste zone de libre-échange au monde, le président des Etats-Unis s'empressait de déclarer : «Le partenariat transpacifique permet aux Etats-Unis de rédiger la feuille de route du XXIe siècle, ce qui est particulièrement important dans une région aussi dynamique que l'Asie-Pacifique.» Une manière de dire au reste du monde, mais surtout à Pékin, que le XXIe siècle sera américain et non chinois.

Le partenariat transpacifique (PTP en français, TTP en anglais) entre les Etats-Unis et onze pays du Pacifique a été conclu après une dizaine d’années de laborieuses discussions. Certes, il reste encore deux ans pour le faire ratifier par les Parlements et autres Congrès de chacun des signataires. Mais Washington espère d’ores et déjà mener la danse dans cette nouvelle division commerciale du monde. Et, ce faisant, conserver une certaine hégémonie politique, militaire et diplomatique sur ce «pivot asiatique» voulu par le président américain à son arrivée au pouvoir.

Impossible. L'accord TPP vise à faire tomber les barrières douanières entre l'Australie, Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour, les Etats-Unis et le Vietnam. Ces douze pays représentent près de 40 % de l'économie mondiale. Mais ce sera sans la Chine, la seconde puissance économique de la planète. Ce traité met en évidence - une fois de plus - le recul des accords commerciaux mondiaux. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) tente en vain de négocier un accord global depuis le lancement du cycle de Doha en 2001. Parvenir à mettre d'accord 161 pays membres s'avère quasiment impossible. «C'est un nouveau genre d'accord commercial qui donnera la priorité aux salariés américains, a assuré Obama. Il renforcera notre leadership à l'étranger et soutiendra les emplois ici, aux Etats-Unis.» Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, s'est également réjoui du traité. C'est en novembre 2011 que le Japon a déclaré sa flamme aux Etats-Unis, qui cherchent à agrandir leur zone d'influence commerciale en Asie. Et c'est le très nationaliste Shinzo Abe qui, à l'époque, y vit une occasion de renforcer son rôle de bras droit asiatique de l'Amérique.

Les détracteurs du traité, tant aux Etats-Unis (notamment au sein du Congrès) que dans d’autres pays concernés, font valoir que celui-ci offrira un pouvoir accru aux multinationales. Il leur permet de faire appel à des tribunaux d’arbitrage privés en cas de contentieux avec un Etat. Et de faire prévaloir leurs intérêts puisque l’accord leur garantit le droit de ne pas voir leurs investissements remis en cause par des changements de gouvernements ou de politiques publiques dans un pays membre.

«Inclusifs». Pékin travaille de son côté à sa propre zone de libre-échange de l'Asie-Pacifique (FTAAP). Il a également lancé la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures afin de financer des projets en Asie, qui constitue de facto un contrepoids au contrôle exercé par Washington sur la Banque mondiale et par Tokyo sur la Banque asiatique de développement. «La Chine continuera de participer activement à des accords de libre-échange hautement transparents, ouverts et inclusifs» dans la région, a commenté jeudi un responsable du ministère chinois du Commerce, expliquant que Pékin était en train d'évaluer le TPP. Le représentant américain au Commerce a souligné que le traité n'avait «jamais été dirigé» contre un pays quel qu'il soit. «Il est important d'avoir une relation économique constructive», avec la Chine, a-t-il ajouté. Diplomatiquement.