Même Pékin, grand allié et protecteur de Pyongyang au Conseil de sécurité, a publiquement «regretté» le tir de fusée nord-coréen pour placer un satellite en orbite, soulignant que «le droit» de ce pays à «une utilisation pacifique de l'espace est limité par les résolutions pertinentes» de l'ONU. Les réactions internationales sont en effet unanimes et les mots très lourds pour condamner un tir qui intervient en violation directe de cinq résolutions du Conseil de sécurité.
Un communiqué de l'Elysée dénonce ce tir, qui intervient un mois après un nouvel essai nucléaire nord-coréen, comme «une provocation insensée», et appelle «à une réaction rapide et sévère de la communauté internationale». Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, parle lui aussi de «provocation irresponsable» et le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, pourfend «une provocation majeure», menaçant la sécurité des Etats-Unis comme de l'Asie, et qui aura de «graves conséquences». A la demande des Etats-Unis, du Japon et de la Corée du Sud, le Conseil de sécurité s'est réuni en urgence à New York dimanche après-midi, à huis clos. «Ce qui est en jeu, c'est l'avenir du régime international de non-prolifération et c'est la raison pour laquelle la faiblesse n'est pas une option», a souligné l'ambassadeur de France aux Nations unies, François Delattre, appelant à durcir les sanctions contre Pyongyang.
Déjà en janvier, après l'essai nucléaire souterrain de Pyongyang - le quatrième depuis 2006, censé selon la propagande du régime avoir testé une bombe H, même si les spécialistes en doutent -, le Conseil de sécurité avait évoqué des «mesures supplémentaires» contre la Corée du Nord. Mais Pékin bloque tout durcissement significatif des sanctions multilatérales décidées en plusieurs vagues par le Conseil de sécurité après le test de missile de juillet 2006, les essais nucléaires d'octobre 2006 et de mai 2009, le tir d'une fusée en décembre 2012 et un nouvel essai nucléaire en février 2013. Et elles n'ont guère eu d'effet jusqu'ici. Applicables par tous les pays membres de l'ONU, elles imposent notamment un embargo total sur la vente ou l'achat d'armes à la Corée du Nord ; des interdictions d'importer et d'exporter certaines technologies de pointe, mais aussi des produits de luxe, ainsi que le gel de certains avoirs ; et la circulation de plusieurs dignitaires du régime listés par l'ONU est empêchée. Les Etats-Unis comme l'UE ont par ailleurs imposé leurs propres trains de sanctions, nettement plus dures.
Le «royaume ermite» dirigé par la famille Kim depuis 1945 n’est guère sensible à ces mesures. L’économie est en bonne part autarcique et tous les produits nécessaires, même frappés d’embargo, passent sans trop de difficulté une frontière sino-nord-coréenne poreuse. En outre, le régime chinois laisse son protégé nord-coréen utiliser son réseau bancaire et financier, très perméable à la corruption. Si Pékin s’irrite de l’entêtement nord-coréen et de la fuite en avant du régime, il est hors de question de laisser tomber le régime et de précipiter son effondrement avec, à terme, une Corée réunifiée alignée sur les Etats-Unis.