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Libération
Ego-trip

Rivalité post-COP 21 entre Royal et Fabius

publié le 12 février 2016 à 19h31

Une fois n’est pas coutume, les négociations climatiques attisent les convoitises : ces derniers jours, on voit Laurent Fabius et Ségolène Royal se disputer le titre de président de la COP 21. C’est l’actuelle fonction du premier, ex-ministre des Affaires étrangères dont le nom a été proposé à la présidence du Conseil constitutionnel. Mais la seconde en hériterait si Fabius était empêché de cumuler les deux casquettes.

La 21e Conférence des parties (COP 21) a accouché en décembre de l'accord de Paris, premier accord universel pour lutter contre le changement climatique, qu'il s'agit maintenant de faire ratifier et de mettre en application dans les 195 Etats signataires de la Convention climat de l'ONU (CCNUCC). Converti sur le tard, Laurent Fabius confie volontiers à son entourage que l'accord de Paris est un peu son graal. Et qu'il n'entend pas lâcher la présidence de la COP, qui incombe à la France jusqu'en novembre, à Marrakech, où le Maroc accueillera la COP 22. Il pourrait même conserver un bureau au Quai d'Orsay. «Les fonctions de président du Conseil constitutionnel et de président de la COP 21 sont juridiquement incompatibles, assure pourtant le constitutionnaliste Dominique Rousseau. Au regard du principe de la séparation des pouvoirs, comment garder un bureau au ministère qui relève de l'exécutif, et présider une juridiction qui se veut suprême ?»

A l'issue d'une réunion avec ses homologues européens sur les suites de la COP 21, Ségolène Royal a estimé qu'il fallait «clarifier les règles du jeu» concernant ce cumul. « Il y a un débat, il faut attendre l'audition par les commissions des lois. Jean-Louis Debré aussi peut donner un avis.» Le tacle est peu discret : la veille, le président sortant du Conseil constitutionnel avait, sans citer nommément Fabius, désapprouvé ce cumul. Selon la loi organique de 2013, la fonction de président du Conseil constitutionnel est incompatible avec toute autre fonction publique et toute autre activité professionnelle ou salariée. Mais pour Laurent Fabius, présider la COP est «une fonction personnelle, bénévole, sans incidence ni contradiction avec l'activité gouvernementale, puisque j'ai été élu par les parties [les 195 pays qui négocient, ndlr] et que je ne représente pas la France.»

Sensible très tôt à la cause environnementale - elle était du sommet de Rio il y a vingt-quatre ans -, Ségolène Royal rêve d'incarner le processus onusien. Après avoir longtemps débiné «ces machins bureaucratiques loin des réalités, qui ne mènent à rien», comme elle le disait à Libération après la COP 20 de Lima. A défaut de récupérer les Affaires étrangères, elle a fait une OPA sur les affaires climatiques, incluses dans son portefeuille depuis le remaniement de jeudi. Les rivaux Royal et Fabius se détestent. Lors de l'avant-dernière COP, ils avaient réussi à passer une semaine à Lima sans jamais être ensemble lors d'une réunion.

Mais c'est Laurent Fabius qui a récolté les lauriers de la COP 21, Ségolène Royal étant reléguée à l'Europe, à la société civile et aux acteurs non-étatiques. Si elle récupérait la présidence de la COP, elle serait enfin au centre de la photo. «Tout cela est affaire d'ego, regrette un diplomate. Le gros du travail a été fait. A part deux réunions indigestes du bureau de la COP et deux événements internationaux, il ne se passera pas grand-chose avant Marrakech.» Selon les règles de procédure de la CCNUCC, «les principaux devoirs d'un président de COP consistent à assurer un leadership politique, à discuter des enjeux, et à présider les réunions du Bureau et les plénières de COP». Tout ça pour ça.