Brexit: faut-il laisser filer les Anglais ? Les cinq bonnes raisons de garder le Royaume-Uni au sein de l’Union européenne.
Institutionnaliser l’UE à deux vitesses.
L'idée est de réunir sous un toit commun, mais dans des structures biens distinctes, les pays pour qui l'Europe se réduit à un grand marché et ceux qui, au-delà même de l'euro et de Schengen, veulent une Union toujours plus étroite. L'Europe à plusieurs vitesses existe déjà mais de façon confuse. «Cette crise pourrait être l'occasion de clarifier les choses et d'instaurer un rapport direct entre les droits et les devoirs des pays selon leur degré d'engagement», souligne Sylvie Goulard, députée européenne LDE (libérale-démocrate), inquiète «d'un accord au rabais qui cache les problèmes sous le tapis au risque d'accroître les doutes des Britanniques». D'autres pays eurosceptiques pourraient être tentés par ce second cercle qui serait susceptible d'accueillir les nouveaux entrants et laisser les autres aller de l'avant vers plus d'intégration.
Eviter une Union trop allemande.
Le départ de la Grande-Bretagne, deuxième PIB de l'Union européenne, entraînerait un déséquilibre au sein d'une Union où déjà nombre des Etats moyens ou grands (Espagne, Italie, Pologne, etc...) sont en pleines turbulences économiques et politiques. Londres a certes toujours été le héraut du libéralisme dans l'UE mais, sans ce contre-poids, Paris sera bien seul face à Berlin. Cela inquiète un peu les Français, «partenaires mineurs» d'un couple franco-allemand toujours plus déséquilibré, mais encore plus les Allemands. Ces derniers n'aiment pas afficher leur leadership et surtout, comme le souligne un haut fonctionnaire européen, «la France est perçue outre-Rhin - mais pas seulement - comme un poids mort, un pays frileux qui freine aussi bien sur l'intégration budgétaire que sur l'accueil des réfugiés».
Garder une influence mondiale.
La Grande-Bretagne, malgré - ou grâce - à ses liens très forts avec Washington, reste essentielle pour une «Europe puissante». Elle est, avec la France, le seul pays européen à avoir une armée aguerrie avec des vraies capacités d'interventions extérieures. Elle a aussi une vision des enjeux du monde, notamment via son poste de membre permanent du Conseil de sécurité. «Sans Londres, Paris risque de se sentir bien seul dans l'Union pour les questions de défense ou face à Poutine», note Denis MacShane, ancien ministre travailliste des Affaires européennes. A cela s'ajoutent le rayonnement intellectuel de la Grande-Bretagne et son prestige de grande place financière. Toutes les élites du monde lisent The Economist et le Financial Times. «Un "soft power" bien réel qui profite à toute l'Europe», relève l'eurodéputée Sylvie Goulard.
Empêcher un détricotage européen.
Surtout s'il se fait de façon apparemment indolore, le «Brexit» fera école, «encourageant populistes et europhobes de tous poils dans une Europe déjà travaillée par des forces centrifuges», comme le souligne Denis MacShane. La sortie de la Grande-Bretagne relancera aussi l'indépendantisme des Ecossais, qui veulent à tout prix rester dans l'Union européenne et auront alors de bonnes chances de gagner un nouveau référendum. Cela aura un effet de contagion certain sur les autres mouvements régionalistes européens, à commencer par les Catalans.
Préserver la diversité européenne.
Grands défenseurs de la cause animale à Bruxelles - et ennemis du gavage des oies -, les Britanniques n’en bétonnent pas moins pour défendre leurs traditions, notamment la chasse à courre. Garder la Grande-Bretagne, c’est aussi conserver la seule vraie monarchie digne de ce nom du Vieux Continent avec les pompes, la classe et le kitsch.