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Le World Press Photo, un prix dans l’ombre d’Aylan

Cette année, on ne pouvait pas passer à côté de la tragédie de ces hommes, ces femmes, et surtout ces enfants qui fuient leur pays en guerre pour trouver refuge vers des contrées plus clémentes.
Le cliché de Warren Richardson qui a remporté le premier prix World Press Photo 2016. (Photo Warren Richardson)
publié le 18 février 2016 à 20h21

C’est la photo de l’année. Le World Press récompense chaque année une cinquantaine de photographes avec des images aussi diverses et variées que des orangs-outans à Sumatra, la vie d’une ville ouvrière en Chine ou le quotidien des Kurdes combattant l’Etat islamique. Mais cette année, on ne pouvait pas passer à côté de la tragédie de ces hommes, ces femmes, et surtout ces enfants qui fuient leur pays en guerre pour trouver refuge vers des contrées plus clémentes. L’Europe.

Les membres du jury du World Press ne s'y sont pas trompés et n'ont pas passé sous silence ce sujet de préoccupation majeure : la crise migratoire. Pour cette édition 2016, pas moins de six photographes ont été récompensés pour l'avoir couverte et documentée avec des reportages aux abords des côtes italiennes ou des îles grecques, à la limite entre la Turquie et la Syrie ou sur les frontières hongroises ou slovènes. «Un homme passe un enfant à Roszke, Hongrie. A la frontière serbo-hongroise, le 28 août 2015.» Cette légende qui accompagne l'image de l'année est lapidaire. Elle ne dit rien de cet homme. Ni de cet enfant qu'il porte dans ses bras. Est-il transbahuté d'une frontière à l'autre par son père, un ami, une personne de la famille ? Ou est-ce un passeur ? Mais en tout cas, on peut y voir un passeur d'espoir, puisqu'il semble sauver cet enfant de l'enfer. Il y a tout ce qu'il faut dans cette image pour comprendre ce qu'il se passe. La frontière, clairement matérialisée par les fils barbelés qui font écho en chacun de nous. La nuit et le noir et blanc comme écrin. Le flou de cet instant unique. Mais c'est l'enfant qui est au centre de toutes nos attentions. De nos espoirs, celui de vies sauvées, et celui de l'utilité du travail du photographe au plus près de l'événement pour nous les restituer.

Cette photo fait forcément écho à l'image de l'année qui nous a soulevé le cœur : celle du petit Aylan mort sur les côtes turques le 2 septembre 2015. Une image brute, insoutenable, sans cadrage, sans écrin photographique. Davantage un témoignage de notre impuissance devant cette vie volée. Ce World Press vient nous rappeler qu'au-delà de cette impuissance, nous pouvons encore être utiles. Qu'une photo n'est pas qu'un témoignage sans avenir.