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Libération

Deux Aylan par jour, des ONG appellent au sursaut

publié le 19 février 2016 à 21h21

En moyenne, depuis septembre, deux enfants meurent chaque jour dans l'est de la Méditerranée en tentant de rejoindre l'Europe. Rien n'a donc changé depuis que le monde s'est ému du sort d'Aylan Kurdi, retrouvé noyé sur une plage turque en septembre. Ces chiffres, donnés vendredi par l'OIM (Organisation internationale pour les migrations), le HCR et l'Unicef, confirment ce que Libération dénonçait le 5 novembre en titrant «Chaque jour, deux Aylan». Depuis Aylan, 340 enfants sont morts, selon ces agences, mais ils pourraient être plus nombreux, des corps disparus en mer échappant au décompte macabre.

On estime que 36 % des migrants en mer Egée sont des enfants, un pourcentage en hausse qui devrait aboutir à une augmentation du nombre de décès. «C'est une catastrophe humanitaire, dénonce le directeur général de l'OIM, William Lacy Swing. Il ne suffit pas de compter les vies. Il faut agir. Ce problème ne concerne pas seulement la Méditerranée, ou l'Europe. Il faut un engagement mondial.» Swing compare la situation au tremblement de terre en Haiti en 2010 ou au tsunami asiatique de 2004 : «Ces désastres ont provoqué un sursaut d'aide humanitaire. Il faut faire de même.» L'Otan pourrait patrouiller en mer Egée dans les semaines à venir, mais on ne sait pas si cela changera grand-chose. Il faut s'en remettre à des initiatives d'ONG, comme SOS Méditerranée (lire aussi pages 16-17). Et outre-Manche, des acteurs, comme Jude Law ou Kristin Scott Thomas, demandent au Premier ministre Cameron d'autoriser les mineurs non accompagnés de la «Jungle» de Calais à rejoindre leurs familles au Royaume-Uni.

Pour le haut-commissaire aux réfugiés de l'ONU, Filippo Grandi, la seule manière de réduire la mortalité consiste à créer des voies légales pour les réfugiés : «Ce devrait être une priorité absolue.» On en est très loin. L'Europe n'a pas pris la mesure de la catastrophe. A part l'Allemagne, elle refuse de voir l'aspect humanitaire et préfère multiplier les obstacles. L'Autriche a inauguré vendredi un système de quota journalier de demandes d'asile : sur les 250 quotidiennes qu'elle reçoit depuis janvier, elle n'en admet plus que 80, une nette restriction. Une décision jugée à Bruxelles «clairement incompatible» avec le droit européen et international.

Pendant ce temps, les vingt-huit chefs d’Etats et de gouvernements restent incapables de se mettre d’accord sur une gestion commune. Ils en ont parlé jeudi et vendredi à Bruxelles. Mais le Premier ministre turc ayant annulé sa venue après l’attentat d’Ankara, les discussions n’ont pu avancer sur la coopération attendue entre l’UE et la Turquie pour essayer de juguler les flux migratoires. Une nouvelle réunion est programmée début mars. En France, le gouvernement a opté pour la manière forte contre la «Jungle» de Calais, la préfecture annonçant vendredi l’évacuation par la force si les migrants ne la quittent pas d’ici mardi soir.