La situation est «si catastrophique» sur le front des droits humains que Salil Shetty, secrétaire général d'Amnesty International, pose «une interrogation simple mais brutale» : «Le système juridique international et les institutions mondiales sont-ils à la hauteur de la tâche urgente que représente la protection des droits humains ?» 2015 marquait les 70 ans de l'ONU, mais l'organisation, jugée «plus vulnérable que jamais», et ses valeurs n'ont pas été à la fête, selon le rapport annuel d'Amnesty, rendu public ce mercredi.
«La répression a été pour ainsi dire monnaie courante en 2015, souligne le secrétaire général, présentée comme nécessaire pour la sécurité nationale, l'ordre public et la protection des valeurs nationales». Il est apparu que «certains Etats pratiquaient une surveillance digne d'un roman de George Orwell». L'ONG dénonce «un assaut massif contre les libertés et les droits fondamentaux», causé par des «mesures sécuritaires draconiennes».
La France est ainsi épinglée pour ses «lois autorisant un recours à des techniques de surveillance plus vastes, sans contrôle judiciaire indépendant». Les Etats-Unis sont, eux, critiqués pour le maintien de Guantánamo, Israël pour son blocus militaire sur Gaza, le Royaume-Uni pour sa «surveillance de masse au nom de la lutte contre le terrorisme» et sa tentative de «se soustraire à la surveillance de la Cour européenne».
Au total, 122 Etats ont, selon l’ONG, pratiqué la torture ou d’autres mauvais traitements, 29 ont forcé des réfugiés à retourner dans un pays où ils étaient en danger. Dans 19 pays, des crimes de guerre ont été commis par le gouvernement ou des groupes armés. L’Arabie Saoudite, le Burundi, la Chine, l’Egypte sont cités, notamment pour des arrestations massives et des violences, de même que la Russie, le Pakistan, la Hongrie, le Mexique (27 000 disparus ces six dernières années) et, bien sûr, la Syrie.
Face à ces dégradations, Amnesty relève un «mouvement insidieux et rampant» : «Des gouvernements s'en prennent délibérément aux institutions créées pour contribuer à la protection des droits fondamentaux» comme la Cour pénale internationale, le Conseil de l'Europe ou certains organes de l'ONU. «Ils refusent de leur allouer des fonds suffisants, ou encore choisissent de n'en faire aucun cas.» Dès lors, «ce sont non seulement nos droits qui sont menacés, mais aussi les lois et le système qui les protègent».