Menu
Libération
Éditorial

Matteo Renzi ou l’art du mouvement

Matteo Renzi, président du Conseil italien depuis 2014. (Photo Alberto Pizzoli. AFP)
publié le 24 février 2016 à 20h11

Avant même de s'installer en février 2014 au palais Chigi, le siège de la présidence du Conseil italien, Matteo Renzi se posait en rottamatore, celui qui allait «envoyer à la casse» la vieille classe politique. Le plus jeune président du Conseil de l'histoire italienne, 39 ans en 2014, était et reste un homme pressé. Arrivé au pouvoir par une manœuvre interne du Parti démocrate qu'il venait de conquérir, il a poignardé dans le dos, malgré ses promesses, le chef du gouvernement, lui aussi démocrate, Enrico Letta. Renzi promettait «une réforme par mois», et il a dû mettre de l'eau dans son vin sur les délais. Mais renforcé par un résultat record aux élections européennes (41 %) de 2014, ce social-libéral assumé, issu de la gauche catholique, a pour une bonne part tenu parole. Ce que François Hollande rêve de réaliser, le Florentin l'a fait.

A la synthèse à tout prix, il préfère le mouvement, et il n'hésite pas aussi à cliver quand il le faut. Manuel Valls ne cache pas sa fascination pour ses méthodes. «Emblématique du triple processus de personnalisation, de médiatisation et de présidentialisation qui affecte l'ensemble des démocraties occidentales, Renzi se veut avant tout pragmatique et postidéologique», note l'historien Marc Lazar. Il tient de Tony Blair, mais la vieille gauche le compare à Silvio Berlusconi, indignée par ses provocations verbales et sa volonté de brouiller les lignes. «Le renzisme n'est pas une idéologie, c'est un style : il est transversal, cynique, rapide», relève le politologue Ilvo Diamanti. Et cela marche. Avec 37 % d'opinions favorables, il reste l'homme politique préféré des Italiens même si sa popularité se tasse.

Son bilan est à méditer pour l'exécutif français et le PS, même si les situations sont en partie différentes. Renzi a obtenu du Sénat que celui-ci vote sa mort programmée, et la Chambre haute sera remplacée par une sorte de conseil des régions. Il a inversé la courbe du chômage, dont le taux est passé de 12,5 % à 11,3 %, un résultat qui s'explique plus par la conjoncture que par le «Jobs Act», sa réforme du marché du travail qui n'en est pas moins historique. Elle a instauré un contrat unique à durée indéterminée avec des droits croissant en même temps que l'ancienneté, mais il a, en échange, offert aux entrepreneurs d'importantes exemptions de charges sociales et, surtout, facilité le droit de licenciement. Une partie des confédérations syndicales a dénoncé une réforme de droite, mais elles n'ont pas réussi à mobiliser. Les salariés ont vu les avantages de la nouvelle donne pour l'emploi de leurs enfants. Matteo Renzi sait faire passer ses messages dans l'opinion, car il est inclusif et s'adresse à tous les Italiens, quitte à donner dans un certain populisme en dénonçant les élites et les corps intermédiaires. Il donne un coup à gauche, il donne un coup à droite. Le philosophe de gauche Massimo Cacciari concédait récemment : «Tout vaut mieux que l'immobilisme antérieur.» C'est cela le grand atout du rottamatore.