Donald Trump a remporté mardi le caucus du Nevada, s'installant un peu plus dans une dynamique favorable pour décrocher l'investiture républicaine à l'élection présidentielle américaine de novembre. C'est sa troisième victoire en quatre primaires, et il a écrasé ses adversaires. Thomas Snégaroff, historien et auteur notamment de l'Amérique dans la peau. Quand le président fait corps avec la nation (Armand Colin, 2012), décrypte les raisons de son succès.
Pourquoi Trump plaît-il tant à la classe moyenne ?
Historiquement, ce n'est pas un cas unique. Les Américains ont besoin à intervalles assez réguliers de shots de testostérone. Et pas que dans le camp des républicains. John Kennedy en son temps a représenté cette virilité. On dit qu'il y a de la colère autour de Trump. Mais c'est plutôt de l'inquiétude sur le destin des Etats-Unis. Il n'y a pas que la classe moyenne qui la ressent. Mais comme elle est la matrice du rêve américain, elle est la première déboussolée par la mise en cause apparente de ce rêve. Cela fonctionne ainsi depuis le début du XXe siècle, avec des personnages qui puisent dans un retour un peu mythifié à cette notion des hommes fondateurs qui ont construit la nation par le courage. Et qui, par un discours simple, voire simpliste, proposent une solution musclée à une nation qui doute.
Ainsi, au début du XXe siècle, quand la frontière a été conquise, que les hommes se sont mis à vivre dans les villes, que l'esprit cow-boy a commencé à disparaître, Theodore Roosevelt [président de 1901 à 1909, ndlr] est arrivé avec une rhétorique proche de celle de Trump quand il veut «botter les fesses de l'Etat islamique» ou «mettre un poing dans la figure» d'un spectateur qui proteste.
Roosevelt rejetait aussi les étrangers : à l'époque, c'étaient les Européens d'origine méditerranéenne, qui allaient «affaiblir la race». Et il y a eu Reagan, un acteur qui voulait incarner le retour d'une Amérique virile et triomphale. Cette fois, c'est Trump, une star de télé-réalité. On perd un peu à chaque fois. Roosevelt était un grand penseur. Mais aujourd'hui, pour cette Amérique qui croit perdre en virilité, Trump offre une revitalisation de l'époque mythifiée de l'homme blanc pionnier. Avec la fin du mandat d'Obama, on est dans la théorie du «no boots on the ground» [«plus de troupes américaines pour combattre au sol à l'étranger», ndlr], avec une guerre faite par des drones, et une pratique «we lead from behind» [«on dirige depuis l'arrière»]. L'Amérique est en train de s'assoupir, Trump arrive et la réveille.
Il y a aussi une interrogation sur l’identité…
«Qui sommes-nous ?», écrivait Samuel Huntington il y a quelques années. Sommes-nous à la hauteur des pères fondateurs ? Au début, c'était des inquiétudes sur l'identité Wasp. Aujourd'hui, c'est sur l'identité caucasienne. Trump reprend cette angoisse profonde. Il se fait nativiste.