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Libération
Éditorial

Migrants : l’égoïsme dangereux des membres de l’UE

publié le 26 février 2016 à 19h41

La crise des migrants est-elle en train de faire exploser l'Europe ? «Il y a un risque que le système s'effondre complètement», avait prévenu jeudi le commissaire européen aux Migrations, Dimitris Avramópoulos, ajoutant que «l'unité de l'Union et des vies humaines sont en jeu». Vingt-quatre heures plus tard, il devait être encore plus inquiet.Vendredi, la Croatie a fixé à 580 le nombre de migrants autorisés à transiter chaque jour par son territoire. Auparavant, la Slovénie avait pris la même décision. La Croatie a averti la Serbie, et Belgrade - qui n'est pas dans l'UE - a adopté la même restriction. L'Autriche a aussi limité les migrants en transit à 3 200 par jour.

Alors que seule une réponse collective permettrait de gérer l'afflux de réfugiés, de plus en plus de pays prennent des décisions unilatérales de quotas, a priori illégales au regard du droit européen. Mais tous ces pays profitent de la paralysie de l'Europe pour décider dans leur coin. Au bout du compte, le fil qui se rétrécit sur la route des Balkans menace la Grèce d'une «crise humanitaire de grande échelle», selon divers responsables européens. Mécaniquement, de plus en plus de migrants s'y retrouvent coincés - alors qu'il en arrive 2 000 par jour en moyenne, dont un tiers d'Afghans, auxquels la Macédoine refuse le passage. La Grèce est incapable de gérer ces flux si les migrants ne peuvent pas s'échapper rapidement par les Balkans, d'autant qu'ils augmentent : du 1er janvier au 24 février, la Grèce a reçu 111 000 personnes, 28 fois plus que pour la même période en 2015, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Athènes se sent à juste titre floué, car les restrictions dont il est la première victime (avec les réfugiés) ont été prises sans concertation. «Nous n'allons pas accepter que notre pays se transforme en un entrepôt d'êtres humains», a affirmé le Premier ministre, Aléxis Tsípras, jeudi. Il menace de bloquer des décisions de l'UE s'il n'y a pas un partage proportionnel des migrants.

Mais on s'en éloigne de plus en plus. Angela Merkel, la seule à réclamer une solution collective, se retrouve de plus en plus esseulée, avec une politique en miettes. Le plan de l'UE de relocaliser 160 000 réfugiés sur deux ans, adopté l'été dernier, n'a jamais démarré : seuls environ 600 ont été répartis dans les pays volontaires. La chancelière allemande voudrait pérenniser ce système mais cela paraît difficile alors qu'il a calé au démarrage. Les Européens doivent aussi discuter le 7 mars avec la Turquie pour qu'elle garde un maximum de réfugiés sur son sol - en échange de 3 milliards d'euros d'aides. Mais jusqu'ici, Ankara n'a rien fait en ce sens. Selon le commissaire européen Avramópoulos, l'Europe ira «au désastre» si elle ne s'accorde sur un plan collectif ce 7 mars. Dans ce contexte de délitement général, Donald Tusk, président du Conseil européen, se rend du 1er au 3 mars dans les Balkans pour «continuer à bâtir un consensus européen». Bon courage.