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Moscou hébété après l'acte délirant d'une nounou ouzbèke décapitant un enfant

La police penche pour l'acte d'une déséquilibrée. Les télés pro-gouvernementales ont fait l'impasse de peur des réactions. La communauté musulmane craint l'amalgame.
Des hommages à l'enfant assassiné déposés devant la station de métro où a été arrêtée sa meurtrière. (Photo Sergei Karpukhin. Reuters)
publié le 1er mars 2016 à 16h51

Des bouquets de fleurs, des oursons en peluche, quelques photos et des colifichets multicolores : voilà ce que les passants ont déposé toute la journée aux pieds du métro Oktiabrskoié Pole où a été arrêtée lundi une femme voilée et de noir vêtue tenant à la main la tête décapitée d’un enfant. Moscou, qui, au fil des dernières décennies, en a pourtant vu de toutes les couleurs, des attentats aux assassinats sans compter les prises d’otage, n’en croit toujours pas ses yeux. Selon des témoins, cette nounou, profession indispensable dans une ville qui manque de crèches pour les tout-petits et d’écoles maternelles, a bien exhibé la tête d’un enfant dont elle avait la garde, en criant « je suis une terroriste » et « Allahou akbar ». Le reste du corps de l’enfant a été découvert à son domicile incendié. Une vidéo faite par des témoins de la scène circule sur le net depuis lundi. La terroriste présumée est une femme de 38 ans originaire d’Ouzbekistan, une république d’Asie centrale dont la population est en majorité de confession musulmane. Arrêtée, elle a été hospitalisée dans l’attente d’une évaluation psychiatrique, ce qui laisse à penser qu’il ne s’agirait pas de terrorisme mais de l’acte d’une déséquilibrée.

Mardi, l'affaire faisait la une des journaux et des sites Internet, mais laissait de marbre les officiels de la police qui ont évité de commenter. Beaucoup y sont cependant allés de leur petite analyse, y compris certains députés qui ont demandé que les nounous soient désormais soumises à un examen de leur santé mentale. Les seules à s'abstenir ont été les principales chaînes de télévision nationale qui ont décidé de faire l'impasse sur un fait divers susceptible de soulever tant d'émotion dans l'opinion publique. Le porte-parole de Poutine, Dmitri Peskov, a dit les soutenir, ce qui laisse à penser qu'elles ont agi à la demande des autorités.

Sans s'appesantir sur l'affaire elle-même, l'opposition a fait remarquer qu'il avait fallu une quarantaine de minutes pour que la police intervienne, elle qui est pourtant si prompte à réprimer quand il s'agit de manifestations politiques.

Le bloggeur vedette Alexei Navalny, un des ténors de l'opposition, a ainsi posté lundi, ce commentaire sur Twitter : «Action des services spéciaux de la fédération de Russie :- dans le métro avec une affiche anti-Poutine - 5 minutes-dans le métro avec une tête d'enfant et le cri Allah akbar - une heure»).

La diaspora ouzbek, a rapporté Gazeta.ru, a de son côté pris ses distances vis-à-vis de sa compatriote, en déplorant cette « tragédie sanglante », tandis que les principaux leaders de la communauté musulmane ont appellé les Russes à ne pas faire d'amalgames. «Chaque musulman ressent la douleur de la famille de la victime comme sa propre tragédie », a martelé Ildar Alyaoutdinov, le chef du conseil musulman de Russie.

Au contraire, les ultra-nationalistes ont profité du drame pour remettre en cause l'ouverture de la Russie aux ressortissants des anciennes républiques soviétiques. Pour les ultras, la tragédie de lundi n'est pas l'acte isolé d'une déséquibrée mais bien un acte terroriste.