APodor, au bord du fleuve Sénégal, Oumar Ly, décédé lundi à 73 ans, était le roi du portrait. Depuis 1963, d'abord avec son Rolleiflex 6 × 6, puis avec un 24 × 36, l'homme au regard malin faisait de la photo comme d'autres binent leur potager. D'ailleurs, Ly avait, enfant, vendu des salades. La photo, il ne l'a jamais apprise : il a commencé par curiosité, puis en a fait son métier, courant la brousse avec les autorités administratives pour réaliser des photos d'identité. Rencontré il y a un an, il nous avait raconté : «Je faisais les deux rives, Mauritanie et Sénégal. Quand un Maure refusait d'être photographié, je lui disais : "Si tu ne prends pas de photo, tu n'iras jamais à La Mecque, car tu n'auras pas de carte d'identité."» La combine marchait. Il faisait aussi poser les gens dans son Thioffy Studio, à côté du marché. Il vous recevait sur un petit banc en extérieur. Dedans, un décor simple pour se faire tirer le portrait : un énorme Boeing. Dans le plus grand anonymat, il a ainsi engrangé des milliers de documents. Puis en 2009, la journaliste Frédérique Chapuis l'a fait connaître au monde. Le Sénégalais n'a pas atteint la notoriété des Maliens Seydou Keïta et Malick Sidibe. Mais son œuvre mérite le détour : pourquoi pas créer un musée Oumar Ly à Podor ?
A voir sur Libération.fr un diaporama consacré au travail de Oumar Ly