Un édito surmonté d'un gros titre «Jour de honte» a été samedi le chant du cygne du grand quotidien Zaman, premier tirage du pays avec 650 000 exemplaires. Il a été mis sous tutelle par la justice turque pour ses liens avec la confrérie islamiste de Fethullah Gülen. Longtemps allié des islamistes au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, cet imam septuagénaire réfugié aux Etats-Unis est devenu son plus implacable ennemi depuis deux ans. Il est accusé par le pouvoir d'avoir créé «un Etat parallèle» et d'avoir préparé un coup d'Etat. Les principaux responsables du journal ont été licenciés, la police a dispersé avec des gaz et des canons à eau les quelques centaines de manifestants qui protestaient contre cette mise sous contrôle.
Dimanche, Zaman était à nouveau dans les kiosques mais dans sa version «normalisée», avec une grande photo du Président en une et des articles à la gloire des réalisations de l'AKP, au pouvoir depuis 2002. Les Européens, qui s'apprêtent à tenir lundi un sommet sur l'immigration avec la Turquie (lire page IV), et les Américains s'inquiètent de ces atteintes à la liberté d'expression et de la presse menées par le gouvernement de l'AKP. «La Turquie, en tant que pays candidat, doit respecter et promouvoir des normes et pratiques démocratiques élevées, dont la liberté des médias», a réagi la diplomatie des Vingt-Huit. Le gouvernement a rétorqué en affirmant qu'il s'agissait «d'une procédure juridique et non pas politique». Ankara a aussi interdit de diffusion, la semaine dernière, la chaîne de télévision prokurde IMC, accusée de «propagande terroriste» en faveur des rebelles du PKK qui mènent la lutte armée contre la police et l'armée turque.