Vainqueurs étriqués des législatives de décembre, incapables de former une majorité, les conservateurs du Parti populaire (PP) défendent leur bilan vaille que vaille. Et ce qu'ils mettent en avant, c'est la baisse du chômage, passé de 26 % il y a deux ans à 20 %. La «potion miracle» de l'infléchissement de ce fléau espagnol (seule la Grèce connaît des chiffres comparables) ? La réforme du marché du travail, approuvée en février 2012, affirme le chef du gouvernement, Mariano Rajoy. A en croire le ministre de l'Economie, Luis de Guindos, elle aurait permis de stimuler l'emploi, «grâce, paradoxalement, à la flexibilisation des conditions d'embauche et de licenciement». Un verdict qui ne fait guère l'unanimité.
«Ankylose». Le gouvernement sortant et les économistes libéraux sont persuadés, à l'instar de Juan Rosell, le président du CEOE (le patronat), que «jamais le pays n'aurait aussi bien négocié sa sortie de crise sans les mécanismes de flexibilisation» de la réforme. En face, syndicats et médias de gauche sont persuadés que ce décret-loi n'a eu aucune incidence sur le chômage.
Axe principal de la réforme : la facilitation du licenciement et la fin de «rigidités historiques». Ainsi, toute entreprise peut désormais «débaucher» à un coût moindre : elle doit débourser 33 jours de salaire par année travaillée (avec un plafond de 33 mois), contre 45 jours de salaire plafonnés à 42 mois jusqu'alors. Autre changement : l'employeur n'a plus à rétribuer les «salaires de transition» jusqu'au licenciement effectif. Dans le cadre de plans sociaux, une nouveauté majeure apparaît : l'entreprise n'a plus besoin d'une autorisation administrative préalable. Il lui suffit de justifier la baisse de ses revenus pendant trois trimestres consécutifs, ou bien, d'invoquer «la baisse prévisible» dans les mois à venir. «Il est évident que cette réforme a créé de l'emploi, souligne l'économiste libéral Joaquin Maudos. Notre marché était malade de ses rigidités qui tétanisaient les patrons. Cette loi a diminué l'ankylose et permis de libérer le marché.» Notamment, pense-t-il l'embauche des jeunes, surdiplômés pour la plupart.
«Fragilisé». En outre, la loi a fait voler en éclats quelque 1 350 conventions collectives (affectant 2 millions de salariés), ce qui, aux yeux des conservateurs, aurait permis de booster l'embauche grâce à une «meilleure adaptabilité horaire et salariale». «Il est très difficile de mesurer l'impact sur le chômage», selon l'économiste Sara de la Rica. D'abord parce que seul un tiers de l'emploi détruit pendant la crise a été recréé. Ensuite, parce que le retour de la croissance, tirée par un pétrole bas et le retour de touristes qui fuient les pays arabes, a sûrement influé sur le marché de l'emploi.
Ce qui ne fait aucun doute, en revanche, c'est que la loi de 2012 a accentué la dualité entre emploi fixe (avec avantages sociaux) et emploi temporaire, dénué de toute protection ou presque. Aujourd'hui, selon le syndicat CCOO, 67 % des nouveaux emplois sont à temps partiel et 90 % sont précaires ou à faible valeur ajoutée - agriculture, BTP, hôtellerie et commerce. «Notre certitude, dit Toni Ferrer du syndicat UGT, c'est que la réforme a abaissé les salaires de 7 %, accentué la précarité et qu'elle a renforcé l'employeur et fragilisé le salarié.»